La géographie dans « La Recherche » de Marcel Proust / Geography in Proust’s « In Search of Lost Time »

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Page de couverture du livre « Géographie de Marcel Proust » d’A. Ferré (éd. Sagittaire)

In the main work of Marcel Proust « In Search of Lost Time« , geography holds a prime position. It is not a descriptive geography, neither a geography with a scientific purpose nor exactly anchored on the reality, but a geography born from the imagination of the author where reality is closely intertwined with his imagination. According to one of the reference books on the subject «  Géographie de Marcel Proust. Avec index des noms de lieux et des termes géographiques » written by Alain Ferré, published in 1939 (Editions Sagittaire), we propose to illustrate this analysis.

Dans l’œuvre principale de Marcel Proust « A la recherche du temps perdu« , la géographie tient une place de premier ordre. Il ne s’agit pas d’une géographie descriptive, à visée scientifique et exactement ancrée sur la réalité, mais d’une géographie née de l’imagination de l’auteur où la réalité est étroitement imbriquée à son imaginaire. En nous appuyant sur l’un des ouvrages de référence sur le sujet « Géographie de Marcel Proust. Avec index des noms de lieux et des termes géographiques » d’Alain Ferré, publié en 1939 (Editions Sagittaire), nous proposons d’illustrer cette analyse.

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L’ouvrage d’A.Ferré fait suite à sa thèse de doctorat d’université, présentée à la Faculté des lettres de Paris. A. Ferré, ancien élève de l’École normale supérieure de Saint-Cloud et géographe, établit le texte de la première édition dans la Bibliothèque de la Pléiade de « A la recherche du temps perdu », paru aux éditions Gallimard entre 1954 et 1956. L’ouvrage d’A. Ferré propose d’aborder la géographie proustienne comme un exemple de géographie littéraire « qui ne se borne pas à découvrir et interpréter« . Pour A. Ferré, la géographie que proposent certaines œuvres littéraires comme celle de Proust « consiste en des monographies de chaque grand écrivain, sortes de commentaires géographiques de son œuvre, dégageant la place qu’y tiennent et le rôle qu’y jouent les faits qu’étudient la géographie physique et la géographie humaine, situant les lieux, fictifs ou réels, où se déroulent les aventures des héros de romans et de théâtre, mettant en évidence le sens géographique inconscient de l’auteur et la portée géographique de ses écrits« . Pour ce qui concerne l’œuvre de Marcel Proust, A. Ferré affirme que « le récit de Proust se déroule dans une atmosphère géographique à peu près continue, en ce sens que les lieux ne cessent guère d’y être présents et d’y vivre ; mais cette atmosphère flotte entre l’irréel et l’observable. Les images de pays qui nous sont proposées ne sont que rarement prises par leur dehors pittoresque, mais plus volontiers saisies selon leur retentissement intérieur, et telles, encore une fois, qu’elles se réfractent dans une âme qui leur imprime ses contours et ses couleurs personnelles« .

Plan d'Illiers-Combray

Plan d’Illiers-Combray (extrait d’A. Ferré, 1939)

Dans son œuvre, Marcel Proust fait se dérouler une bonne partie de l’action dans le village de Combray. Celui-ci est directement issu de ses souvenirs du village d’Illiers, situé dans le département d’Eure-et-Loir. Or la description de Combray ne correspond pas en tout point à la réalité géographique du village d’Illiers. Dans son ouvrage, A. Ferré propose le plan suivant du village d’Illiers et positionne les différents lieux cités dans l’œuvre de Marcel Proust.

A. Ferré démontre comment les lieux et les régions dans l’œuvre de Proust ne sont pas mobilisés seulement pour localiser les moments du récit, mais qu’ils sont chargés d’une signification symbolique par le biais de « rapports d’orientation et[de] recoupements topographiques« . Ainsi, A. Ferré explique l’opposition géographique mais aussi sociale entre les « lieux situés à l’ouest de Combray, le côté de chez Swann, vers Tansonville et Méséglise, et les lieux situés à l’est de Combray, le côté de chez Guermantes, par la vallée de la Vivonne. Ces deux côtés étaient considérés par le narrateur depuis les promenades de son enfance comme radicalement opposés et étrangers l’un à l’autre, sans pénétration ni contact possible (…) A cette opposition géographique correspond une séparation sociale non moins absolue, entre la bourgeoisie (côté Swann) et la noblesse (côté Guermantes). » Mais Marcel Proust fera en sorte que ces deux côtés fortement opposés de sa géographie littéraire, se rencontrent pour fusionner, à tel point que pour A. Ferré « L’invention géographique des deux côtés de Combray, ainsi réunis après avoir été si longtemps opposés, apparaît donc comme l’une des grandes assises sur lesquelles est construit tout le récit de Proust« .

Le pays de Balbec et ses "emprunts géographiques"

Le pays de Balbec et ses « emprunts géographiques » (extrait d’A. Ferré, 1939)

Dans son livre, A. Ferré propose une autre carte où il positionne à la fois les principaux espaces et lieux réels de la géographie réelle de l’ouest de la France et ceux cités par Marcel Proust dans son œuvre, en particulier les lieux voisins de Balbec, une autre des créations géographiques proustiennes. Ainsi la région de Balbec ne correspond pas à un endroit réel identifiable précisément sur une carte. Balbec emprunte sa localisation et sa géographie à différents lieux et régions situées entre la Basse Normandie (région de Caen), le nord du Cotentin (région de Cherbourg et de Granville) et de la baie du Mont Saint-Michel (région de Coutances). Il est donc vain de vouloir précisément situé Balbec se ses environs. Cette absence de correspondance géographique entre lieux réels et lieux imaginaires invite le lecteur à se projeter dans certains lieux connus ou visibles sur des cartes et en même temps à laisser cours à son imagination. En fait, le lecteur ne peut que trouver des similitudes et des analogies géographiques et spatiales mais pas d’identification géographique ni de correspondance spatiale parfaites. C’est là l’un des mérites majeurs de cette œuvre.

Sur le même sujet, citons aussi le travail de Georges Poulet en 1963 « L’espace proustien » paru aux éditions Gallimard. Dans son ouvrage, Georges Poulet évoque « ces inversions constantes entre macrocosme et microcosme qui, à travers l’œuvre proustienne, nous informent sur un certain « espace vécu » parallèle ou analogue au « temps vécu »« .

Dans un article paru dans la revue Géographie et cultures (1993, n° 6, p. 35-50) et disponible en ligne sur le site de la revue Reclus, J-C. Gay de l’Université de Paris VII, parle de « lespace discontinu » de Marcel Proust. Il affirme que « Proust, en privilégiant les lieux sur l’étendue qui les entoure, élabore un espace discontinu et archipélagique où l’hiatus des campagnes séparent de rares lieux reliés par des trains et jouissant d’un privilège d' »exterritorialité ». Entre les lieux, l’étendue n’est parcourue qu’à l’occasion de voyages exceptionnels« . J-C. Gay critique et renvoie dos à dos A. Ferré et G. Poulet « Alors que le premier décrit, répertorie, tente de localiser rigoureusement et précisément, le second, non géographe, essaie de comprendre la logique spatiale de Proust. Ces deux approches complémentaires et stimulantes ne nous satisfont cependant pas car Ferré est prisonnier d’un positivisme naïf et il manque à Poulet les outils conceptuels de l’analyse géographique« .

Enfin, dans Le bottin des lieux proustiens, paru en 2011 aux éditions de la Table Ronde, son auteur Michel Erman parle des « les lieux de la Recherche [qui] sont lourds de sens. Réels ou inventés, ils font esprit et corps avec les personnages qui les habitent, qui les arpentent ou qui les hantent« .

Il faut souligner qu’en avril 1971, pour le centenaire de la naissance de Marcel Proust, la commune d’Illiers changea de nom pour devenir Illiers-Combray en hommage à l’œuvre de Proust, à son importance littéraire et à sa notoriété dans le monde entier. C’est la seule commune française actuelle à avoir adopté un nom emprunté à la littérature.

Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’œuvre: A la recherche du temps perdu
  • Author/Auteur : Marcel Proust
  • Year/Année : first edition in 7 volumes between 1913 and 1927
  • Field/Domaine : Litterature
  • Type : Drama
  • Edition/Production : Gallimard, bibliothèque de la Pléiade (1987-1989)
  • Language/Langue : French
  • Geographical location/localisation géographique : #Normandie #Bretagne #Paris #Venise
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : mixed geography, made of real and imaginary spaces and places
    • Location in work/localisation dans l’œuvre :
    • Geographical location/localisation géographique : France
    • Remarks/Notes :

3 réflexions sur “La géographie dans « La Recherche » de Marcel Proust / Geography in Proust’s « In Search of Lost Time »

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  3. Marcel proust ou Gaspard Proust ? Trève de plaisanteries ! Bouquin à lire. Etant DJ sur Lyon, il m’arrive dans les transports de lire eh oui me direz-vous, et je dois dire que j’ai adoré me plonger dans le sujet développé par Proust.

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