Max Ernst, a Facetious Cartographer / un cartographe facétieux

Max Ernst. Le Jardin de la France.1962. Huile sur bois (144x168). Musée National d'Art Moderne, Paris, France.

« Le Jardin de la France » (The Garden of France)  is one of the most famous Max Ernst’s paintings. It depicts a woman’s body lying between sandbanks and islands near the confluence of Indre and  Loire rivers. The work is fully representative of surrealism by the collage of different elements of reality that creates this feeling of  « merveilleux »,  so dear to the poet André Breton. It is also a well-known example of map reference in painting. But if  you look carefully, the artist is having  fun with maps.

« Le jardin de la France »  est un des plus célèbres tableaux de  Max Ernst.  Il met en scène un corps de  femme allongé entre îles et bancs de sable à la confluence de l’Indre et de la Loire. L’œuvre  est parfaitement représentative du surréalisme par le collage de différents éléments de réalité qui fait naître ce sentiment de « merveilleux », cher au poète André Breton. C’est aussi un exemple souvent cité de référence cartographique dans la peinture. Mais, quand on y regarde bien, on voit que l’artiste s’amuse un peu avec la carte.

English Français Référence

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Français

Alexandre Cabanel, The Birth of Venus (1863), oil on canvas, 130 x 225 cm. Paris, Musée d'Orsay

Selon Sophie Colmerauer, Max Ernst cite dans ce tableau La naissance de Vénus, toile peinte en 1863, par Alexandre Cabanel, artiste français académique voire pompier. La position de la femme nue est en effet la même dans les deux tableaux. Cependant Ernst ajoute au dessus de son genou ce qui semble être un serpent. Celui-ci  érotise la  composition en évoquant un bas mais surtout transforme cette Vénus en Mélusine,  fée aquatique mi femme-mi serpent et très ancienne figure de légende, célébrée comme figure idéale de la Femme et du Désir par André Breton dans son livre Arcane 17.

Mélusine

Mélusine, comme on peut le lire ici, met en relation des mondes de nature différente : humain et non humain, terre et eau, ciel et terre … Calbanel avait placé la femme à la frontière de deux univers, aérien et maritime. Ernst la déplace aux confins de la terre et de l’eau, ondoyant dans la vallée entre deux rivières. Son corps y devient à la fois terrestre et aquatique, lourd et fluide, humide et fécond. Signe de fertilité bien sûr, mais surtout expression sensuelle: la représentation fragmentée du corps de la femme – genou, cuisse, ventre, sein – est classique des formes du désir masculin.

Une carte ?

On voit aussi que Max Ernst bascule la perspective du tableau de Cabanel. Alors que nous regardons Vénus  selon un axe horizontal, tangentiel à la surface de la mer, on surprend la Mélusine de Ernst au moment où elle se glisse alanguie dans le lit d’un grand fleuve, selon une vue surplombante et même verticale . Ce basculement cartographique est renforcé par la mention des noms des rivières et des sens d’écoulement ainsi que par le choix des couleurs qui évoque une étrange occupation du sol. La composition de Max Ernst est nettement topographique. Les hydronymes « La Loire » et « l’Indre » viennent d’ailleurs situer la scène dans l’espace réel, tout comme le titre du tableau « Le jardin de la France »  qui fait bien entendu référence au surnom donné depuis la fin du XVe siècle à  la Touraine.

Quand il a peint ce tableau, Max Ernst habitait d’ailleurs à  Huismes, petite commune des bords de l’Indre. C’est donc en voisin qu’il peint ce paysage. Y-a-t-il alors une réalité topographique du « Jardin de la France  » ? Il est assez facile de le vérifier. Il suffit de chercher Huismes sur le Géoportail de l’IGN pour se rendre compte  que Ernst résidait bien au confluent de l’Indre et de la Loire (cliquer ici pour accéder à Huismes sur le Géoportail). On découvre à cette occasion quelques petits éléments intéressants.

D’abord, l’île qui se trouve à la confluence de l’Indre et de la Loire  s’appelle l’Ile de Bondésir, ce qui ne pouvait que ravir un surréaliste et peut-être même lui  suggérer l’idée de ce tableau dont la dimension érotique est indéniable.

IGN - Géoportail

Mais on vérifie aussi – si on ne le savait pas – que la Loire coule ici vers l’Ouest et donc dans le sens opposé à celui des flèches que le peintre a placées dans sa composition.

Pour que le tableau corresponde à la topographie réelle, il ne s’agit pas de lui appliquer une simple rotation. Ce n’est pas une question d’orientation Nord-Sud.  L’Indre coulant au sud de la Loire, il faut, pour respecter la réalité cartographique, inverser horizontalement le tableau, comme dans un miroir. On peut ensuite le déformer avec les outils classiques de la géomatique  pour le superposer un peu plus exactement à la carte topographique. Le serpent se superpose  alors parfaitement au chenal entre les deux îles. On obtient ainsi une intéressante représentation hybride,  un objet en quelque sorte topoéticographique, ou même topéroticographique, une sorte de carte Mélusine, à mi-chemin entre rêve et réalité.

IGN - Géoportail . Max Ernst - Centre Georges Pompidou - T. Joliveau

La malice du peintre

Mais il ne sera pas dit qu’on puisse impunément rectifier géométriquement Max Ernst. Quel est en effet ce troisième ruban bleu tout au-dessus du tableau, en bordure du cadre ? Le bleu n’est pas le même que celui choisi par Ernst pour l’Indre et la Loire. Il est plus clair et marbré de blanc. Serait-ce la mer ? A moins que ce ne soit le ciel, directement  tiré, en même temps que Vénus-Mélusine, du tableau de Cabanel ? Si c’est la mer, on peut penser à une représentation symbolique de l’Océan et donc à l’embouchure de la Loire, située très à l’Ouest de Huisme, là où la Mélusine de Ernst rejoindrait la Vénus de Cabanel.  Mais sa localisation au-dessus du tableau n’est évidemment  pas respectueuse des points cardinaux, que le tableau soit recalé ou non. Et si c’est le ciel qui est figuré, alors le tableau se redresse d’un coup et c’est notre hypothèse cartographique qui est ruinée. Pourtant, tout laisse penser qu’il s’agit bien d’une carte … Nous voici pris au piège tendu par le peintre, cartographe malicieux.

Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’oeuvre: Le jardin de la France
  • Author/Auteur : Max Ernst
  • Year/Année : 1962
  • Field/Domaine : Painting
  • Type : huile sur bois (144×168)
  • Edition : Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, France.
  • Language/Langue :
    • Machinery/Dispositif :
    • Location in work/localisation dans l’œuvre:
    • Geographical location/localisation géographique :47.234443,0.1974105834960
    • Remarks/remarques : Located in Huismes (France)

2 réflexions sur “Max Ernst, a Facetious Cartographer / un cartographe facétieux

  1. Une malice mais l’Indre et la Loire coule normalement dans le même sens (vers l’Ouest). L’inversion horizontale corrige la Loire mais rend faux l’Indre…

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  2. Pingback: L’abstraction géographique de Mondrian / Mondrian’s geographical abstraction | (e)space & fiction

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