Real Properties: Fake Estates – Matta-Clark

Gordon Matta-Clark was a conceptual artist from the downtown New-York art scene during the 1970s whose work focused on the physical changes affecting New-York during the post-war decades. His work Real Properties : Fake Estates (RPFE) (1973-1974) documents some of these changes and their consequences on the urban fabric of the city. The course of this work within the art market gives us a rich series of examples of spatial machineries used in what we could call “the art of land” (drawing on the work of the French geographer Anne Volvey) e.g. all the artistic tactics which attempt to use and subvert both the ways space is legally appropriated and all the surveying, delineating and occupying methods that are associated with this process of appropriation.

Artiste conceptuel de la scène new-yorkaise des années 1970, Gordon Matta-Clark s’est intéressé aux transformations physiques de New -York pendant les décennies d’après-guerre. Son œuvre Reality Properties : Fake Estates (RPFE) (1973-1974) en documente certaines conséquences. Le parcours de cette œuvre sur la scène et le marché de l’art contemporain met en scène un riche échantillon des différents dispositifs spatiaux utilisés dans un courant qu’on pourrait nommer « l’art foncier » (ou « l’art du land » pour reprendre le terme utilisé par la géographe Anne Volvey) et qui désigne les pratiques artistiques qui visent à utiliser et détourner les modes légaux d’appropriation de l’espace et toutes les méthodes d’arpentage, de délimitation, d’occupation qui y sont associées.

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Français

Le procédé de RPFE est le suivant : l’artiste achète des propriétés qui n’ont qu’une très faible valeur d’usage, et ce faisant, se constitue un porte-folio foncier qui ne pourra jamais constituer la base d’une rente foncière (fake estates).

On peut identifier trois temps dans la trajectoire de l’œuvre,  qui mobilisent différents dispositifs :

  1. La découverte et l’achat des fake estates
  2. La redécouverte de l’oeuvre et sa commodification
  3. Ses filiations contemporaines

La découverte de l’œuvre et l’achat des fake estates

Au début de la décennie 1970, Matta-Clarck découvre que la ville de NY met régulièrement aux enchères des espaces inutilisables (gutterspace), morceaux de terrain sans propriétaire ou retournés à la ville suite à un défaut de paiement d’impôts locaux. Ces morceaux de ville sont le résultat d’erreurs d’arpentage, d’anomalies dans la délimitation des zonages, ou laissés à l’abandon suite à des travaux publics. L’artiste achète ainsi 15 lots dans le Queens et sur Staten Island et se constitue un porte folio de terrains aux formes pour le moins incongrues.

La plupart de ces lots sont de longs segments  (pouvant atteindre jusqu’à 1 km de long) très étroits (moins d’un mètre en général), souvent inaccessibles. Il paye entre $25 et $75 par parcelle pour acheter ces aberrations du cadastre.

Dans les années qui suivent ces achats, Gordon Matta-Clark constitue une petite base documentaire à propos de ces lieux. Il les prend en photo, accumule les documents administratifs et juridiques les concernant, collecte des cartes et des extraits du cadastre dans lesquels ils sont représentés. Un court-métrage du réalisateur Jaime Davidovich en 1975 montre Matta-Clark à l’ouvrage, photographiant et marquant à la craie les limites de ses propriétés.

Acheter ces biens qui sont dépourvus d’usage va à l’encontre des conceptions mobilisées habituellement lorsque nous évaluons la valeur d’un bien immobilier. Comment ces espaces peuvent-ils devenir utiles? Pourquoi ont-ils une valeur d’échange? Dans un premier temps, Gordon Matta-Clark propose au spectateur de s’éloigner des conceptions conventionnelles de ce qui est inutile ou nécessaire. Ce faisant, l’artiste propose une représentation de la ville qui constitue une alternative à la ville comme une machine de croissance, a growth machine (pour reprendre l’expression de Harvey Molotch) et offre au contraire une représentation qui montre la ville comme une accumulation d’espaces résiduels « inutiles » d’un point de vue marchand.

Une fois cette appropriation effectuée (real properties) de nouveaux usages de ces lieux sont à inventer, selon des normes distinctes de celles qui prévalent dans le marché des biens immobiliers. Gordon Matta-Clark pense un moment les utiliser pour réaliser des performances et des projets « anarchitecturaux », du nom du mouvement qu’il anime pendant cette période.

Il meurt en 1978, sans avoir pu concrétiser ce projet, et ces propriétés retournent à la ville de NY, parce que l’artiste ne s’était pas acquitté des impôts locaux sur ces biens. Les caisses d’archives documentaires constituées par l’artiste sont stockées chez un marchand d’art local. A la mort de ce dernier, les boites sont redécouvertes et avec elles, le projet RPFE.

La redécouverte de l’œuvre et sa commodification

Pendant une quinzaine d’années, l’œuvre dans sa forme actuelle n’existe pas. Elle commence à être exposée dans les années 1990, lorsqu’une forme est donnée à ce matériau documentaire hétéroclite. A chaque lot sont associées les photos prises par Matta-Clark, un plan extrait du cadastre et l’acte de propriété. A chaque lot s’attachent donc trois modes de représentation : légale (documents juridiques), picturale (photographies) et architecturale (plans).

Ainsi délimité et encadré dans une forme qui peut circuler et s’échanger sur le marché de l’art, chaque lot est dès lors suspendu au mur de la galerie/musée qui l’expose. L’acte d’encadrer ces représentations est par conséquent lui-même un dispositif spatial qui délimite l’œuvre dans sa forme commodifiée. Par “commodification”, on entend ici la transformation de l’oeuvre de Matta-Clarck en marchandise, en commodité qui peut s’échanger sur le maché mondial de l’art, libérée de son contexte de production et de réception initial. Avant cette commodification, l’oeuvre n’est constituée que du geste de l’artiste et des relations qu’il a tissées avec ces lieux.

La tournée de l’ œuvre sous cette forme se poursuit dans les musée et les galeries de réputation et de fréquentation internationales (comme récemment à Barbican à Londres). C’est  un appauvrissement matériel et symbolique considérable : à l’encontre des instructions de l’artiste et de la forme initiale de l’œuvre (sans organisation définie), la première version de la composition et de l’assemblage des matériaux documentaires est celle qui a été conservée jusqu’à maintenant. Elle n’a jamais été présentée selon une disposition différente en 20 ans, alors que l’artiste avait lui-même proposé qu’elle prenne une forme différente à chaque fois, selon les désirs de chacun (however one wanted). Cette pétrification de l’œuvre est le produit de son entrée sur le marché de l’art et en particulier le résultat de l’action d’un de ses principaux acteurs : le Guggenheim (fondation ou musée), qui présenta systématiquement l’œuvre sous cette forme. Ce faisant, elle ne sera pas le produit inutile dans l’espace du capitalisme que Matta-Clark avait essayé de produire.

Pour reprendre les mots de Stephen Walker prononcés en avril dernier lors d’une conférence au Barbican :

It’s paradoxical, then, or perhaps appropriate given where we are, that the last laugh goes to the inexorable system of commodification, which returns and covers over Matta-Clark’s own work of Reality Properties: Fake Estates. For the framing process itself introduced another space, and reminds us that this work will be ‘consumed’ within the conventional architectural space of the art gallery, where frequently the only ‘value’ that is not neutral-or indeed neutralised-is that of exchange value demanded by the art market itself. For the framing process itself introduced another space, and reminds us that this work will be ‘consumed’ within the conventional architectural space of the art gallery, where frequently the only ‘value’ that is not neutral-or indeed neutralised-is that of exchange value demanded by the art market itself.

(Ainsi il est paradoxal, ou peut-être approprié, étant donné le lieu dans lequel nous nous trouvons [à l’intérieur du musée de Barbican], que nous puissions au final sourire à l’inexorable système de commodification, qui revient et recouvre le propre travail de Matta-Clark dans Reality Properties : Fake Estates. Car le processus d’encadrement introduit lui-même un autre espace et nous rappelle que ce travail sera « consommé » dans l’espace architectural conventionnel de la galerie d’art, dans laquelle fréquemment la seule « valeur » qui n’est pas neutre, ou plus exactement neutralisée, est celle de la valeur d’échange exigée par le marché lui-même.)

Les filiations contemporaines de l’œuvre

L’œuvre connaît aussi une certaine célébrité dans les scènes périphériques du marché de l’art. Odd lots ,une exposition tenue dans le Queens en 2003, propose de poursuivre et célébrer le projet initial de deux façons. La première est de proposer des usages alternatifs pour les parcelles qui avaient été achetées par Matta Clark. Les propositions sont variées : sculptures, installations, performances ou situations. Elles ne peuvent cependant pas être réalisées dans les parcelles initiales, que la mairie a de toute façon cessé de vendre, et sont exposées dans une galerie « alternative », White Columns, que Jeffrey Lew et Gordon Matta-Clark avaient fondée dans les années 1970. A ce stade, l’œuvre initiale a acquis un statut quasi-fictionnel et ces propositions constituent autant de matérialisation locale de la narration réalisée par Matta-Clark dans REFP. L’exposition comprend aussi des visites guidées des quartiers dans lesquels étaient situées les parcelles. Cherchant l’esprit des lieux qui semble échapper à l’œuvre dans sa forme commodifiée, les organisateurs se proposent d’emmener les spectateurs faire l’expérience de ces lots et ce faisant de  :

Acknowledging that the land itself is not identical to the cultural devices that frame it-such as maps, deeds, and leases, or even artworks.

(Reconnaitre que le territoire ne peut se confondre avec les dispositifs culturels qui cherchent à le représenter et le contrôler, tels que les cartes, les baux, ou même les œuvres d’art.)

Le dernier usage  de l’œuvre est le fruit d’un travail du centre de l’Université de Californie :  UCLACityLab. A l’aide d’un SIG créé par les services des travaux publics de San Francisco, cette équipe  a pu, dans son projet Local Code: Real Estates, identifier le nombre et la localisation des espaces résiduels de cette ville.

Urban voids mapped by Local Code: Real Estates / Les vides urbains identifiés par les auteurs de Local Code: Real estates

Urban voids in San Francisco / Les vides urbains de San Francisco

Dans cette  initiative, les espaces recensés ne sont plus le support d’une utopie alternative à la commodification des pratiques culturelles et de l’espace urbain. Surfant sur la vague du développement durable urbain, des villes intelligentes (smart cities), de la densification des espaces bâtis et de la démocratie participative, les auteurs imaginent que ces espaces pourraient devenir une infrastructure écologique partagée (common ecological infrastructure).

Dès lors, il ne s’agit plus de profiter de la découverte de l’existence de ces non-lieux pour y construire un espace hors-marché mais au contraire de les remettre sur la carte de la ville utile, et d’en avoir, au sein du capitalisme vert, un usage « effectif » (Real Estates). Grâce au perfectionnement des technologies de localisation et a l’exhaustivité qu’elle permettent, l’ensemble de ces aberrations cadastrales est désormais identifié,  il n’y a plus d’espaces residuels échappant à la mise en valeur capitaliste, ici dans sa version développement durable.

 Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’oeuvre: Real Properties: Fake Estates
  • Author/Auteur : Gordon Matta-Clark
  • Year/Année : 1973-1974
  • Field/Domaine : Art- Architecture
  • Type : conceptual/conceptuel
  • Edition/Production :
  • Language/Langue : En
  • Geographical location/localisation géographique : #New-York, Etats-Unis, #Saten Island, Etats-Unis, #Queens, Etats-Unis
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : Cartes cadastrales – photos – actes de propriété – cadres -land maps – photos – deeds – frames
    • Location in work/localisation dans l’oeuvre :
    • Geographical location/localisation géographique :
    • Remarks/Notes :

3 réflexions sur “Real Properties: Fake Estates – Matta-Clark

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