
Image du film Van Gogh
Nous continuons à évoquer ici les relations entre l’espace des peintres et de la peinture telles qu’elles furent mises en scène par des cinéastes.
Le deuxième grand type proposé regroupe des films où sont mis en scène un lieu, une ville, une région, un pays où des peintres ont réellement vécu ou se sont rendus. L’espace visible dans les films sert alors de cadres, de contexte géographique, historique, culturel, architectural à la mise en scène de la vie de ces peintres. Ces lieux ont aussi servi de sujets aux peintres pour leurs œuvres. La majorité des films de ce type sont des biopics dont on peut trouver une liste ici. Pas plus que pour le premier type, nous ne prétendons pas lister ici tous les films de ce second type.
We continue to evoke here the relationship between the space of painters and painting as they were staged by filmmakers.
The second major type includes films in which depicting a place, a city, a region or a country where painters have actually lived or that they have visited. The space visible in the films is then used as a framework, a geographical, historical, cultural and architectural context for the staging of the life of these painters. These places also served as subjects for painters for their works. The majority of films of this type are biopics, a list of which can be found here. No more than for the first type, we do not pretend to list here all the films of this second type.
Van Gogh de Maurice Pialat (1991) :
Ce film a été réalisé par Maurice Pialat, un cinéaste d’abord formé aux Arts décoratifs de Paris et dont l’exposition « Maurice Pialat, peintre et cinéaste » en 2013 à la Cinémathèque a souligné les relations étroites avec le monde de la peinture.
Le film illustre les derniers mois de la vie du peintre Vincent Van Gogh (1853-1890) en 1890 à Auvers-sur-Oise, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Paris. Envoyé par son frère et mécène Théo, pour se reposer d’une santé déclinante et pour se rapprocher des lieux où vivaient de nombreux peintres célèbres, Van Gogh fait là la connaissance du docteur Paul Gachet, qui s’occupera de lui comme médecin et se prit d’affection pour le peintre méconnu. Peintre amateur lui-même, le Dr Gachet était l’ami de plusieurs peintres dont Cézanne et Pissarro. C’est à Auvers-sur-Oise où il peignit plus de 70 tableaux, que Van Gogh commence à connaître la reconnaissance, qui lui avait tant manqué jusqu’alors.
Pour certaines scènes, le réalisateur a placé des éléments de décor de façon très précise, que ce soit des fruits, des fleurs, ou des personnages, qui sont autant d’éléments d’une composition voulue de ces scènes-tableaux.
Le personnage de Van Gogh, joué par Jacques Dutronc (César 1992 du Meilleur acteur pour ce rôle), est montré à de rares reprises en train de peindre dans la campagne environnante, avec son matériel de peinture (chevalet, couteaux, pinceaux, peinture, etc.). Le réalisateur a surtout voulu montrer les affres de la création artistique qu’a connu le peintre à la fin de sa vie, la nature étant filmée comme un lieu faisant écho au mal être du peintre, à ses tentations de se perdre dans une vie décousue, en proie à un doute permanent sur son propre talent.
Mais cette campagne est aussi le lieu où Van Gogh connaît quelques moments d’apaisement, d’échanges avec son frère ou des amis ou d’intimité partagée, avec des prostituées au bord de l’Oise ou avec la fille du Dr Gachet.
Maurice Pialat a cherché à restituer non seulement les lieux où vécut Van Gogh à Auvers-sur-Oise, les lieux extérieurs comme les espaces intérieurs, mais aussi l’atmosphère de cette époque.
Celle-ci est visible dans plusieurs thèmes (la campagne, la vie et le labeur des paysans, le développement du chemin de fer, les lieux de plaisir, les milieux artistiques, la prostitution) mais aussi audible (musiques d’orchestres dans une guinguette au bord de l’Oise, bruit d’un train arrivant en gare, etc.).
Aujourd’hui encore, la ville d’Auvers-sur-Oise est profondément liée au séjour de Van Gogh. Le peintre marqua de son séjour la vie de la commune d’Auvers-sur-Oise, tant par les tableaux qu’il peignit de certains des monuments ou de la campagne environnante que par le souvenir qu’il laissa auprès de la population. Le peintre y loua une chambre à l’auberge Ravoux qu’on peut encore visiter aujourd’hui et où le temps semble suspendu depuis plus d’un siècle.
Aujourd’hui, la commune, dont le nom attire de nombreux touristes du monde entier, amateurs du peintre et de son œuvre, a compris tout l’intérêt qu’elle avait à miser sur le peintre connu mondialement. L’Office de Tourisme de la commune, dont le site Internet valorise beaucoup les lieux rattachés à la vie du peintre mais aussi à d’autres artistes-peintres du XIXème siècle dont Charles François d’Aubigny, propose un parcours dans la ville où plusieurs des tableaux de Van Gogh sont reproduis sur des panneaux installés devant les lieux représentés, dont l’église du village, la mairie ou encore la campagne environnante.
Une application gratuite pour smartphones Van Gogh Natures, est disponible pour permettre aux visiteurs de retrouver des tableaux du peintre en fonction de l’endroit où ils ont été peints. Les œuvres du peintre sont replacées dans leur contexte tout long du parcours de visite proposé, à Auvers-sur-Oise mais aussi à Saint-Rémy-de-Provence, autre lieu de séjour du peintre.
La dépouille de Van Gogh, qui décéda à Auvers-sur-Oise le 29 juillet 1890, se trouve dans le cimetière situé sur les hauteurs de la ville, à côté de la tombe de son frère Théo, décédé un an après. C’est un autre des lieux de la visite proposée par l’Office du Tourisme.
Mr. Turner de Mike Leigh (2014) :
Le film retrace les 25 dernières années de la vie du peintre anglais William Turner (1775-1851), un autre des précurseurs de l’impressionnisme, interprété par l’acteur britannique Timothy Spall, Prix d’interprétation masculine au Festival de cannes en 2014 pour son rôle.
Contrairement au film de Pialat, celui de Mike Leigh vise à retracer de façon historique les dernières années de la vie de Turner, lorsque celui-ci s’installe dans une petite pension en bord de mer, après le décès de son père. Là, Turner y peint de nombreux tableaux, montrant notamment les changements d’une époque, faisant ainsi écho à sa propre vie.
Le film met en scène et en images plusieurs tableaux du peintre. Contrairement à Maurice Pialat, Mike Leigh fut moins intéressé à montrer les difficultés de la création artistique, la psychologie du peintre étant à peine évoquée, alors que celle de Van Gogh est très largement mise en scène dans le film de Pialat.
La photographie du film a été particulièrement travaillée, pour faire ressortir le jeu entre ombre et lumière, mais aussi le jeu des lumières dont Turner est considéré comme l’un des maîtres. Comme le réalisateur le fait dire au personnage de Turner « Le blanc c’est le bien qui triomphe. Le noir c’est le diable ».
De nombreuses scènes du film se déroulent dans l’atelier de l’artiste.
Le réalisateur montre aussi les intérieurs des milieux aristocratiques de l’Angleterre de l’époque victorienne que Turner fréquentait, mais aussi des milieux plus modestes comme les ports, où Turner s’installa pour peindre plusieurs tableaux ayant la mer pour thème, ou encore des maisons closes.
Dans les scènes qui se déroulent à la Royal Academy, on peut découvrir la façon dont les tableaux étaient accrochés à l’époque, les uns contre les autres sur les murs et les plafonds, jusqu’à la verrière zénithale.
Plusieurs scènes du film reconstituent des lieux peints par Turner comme le tableau Pluie, Vapeur et Vitesse – Le Grand Chemin de Fer de l’Ouest réalisé en 1844.
On peut aussi voir reconstituée la scène du tableau Le Dernier Voyage du Téméraire peint en 1838.
Ces deux tableaux illustrent l’intérêt de Turner pour les changements de son époque, entre la fin d’un ancien monde et l’apparition d’un nouveau sous l’effet du progrès technique, de la révolution industrielle et de l’arrivée de la locomotion à vapeur.
Turner était fasciné par ces changements profonds. Porteur d’une notoriété et d’une gloire passées, il se voyait comme le représentant de l’ancien monde, s’identifiant en quelque sorte au vieux navire de guerre du tableau. Turner se savait condamné à disparaître sous la poussée des symboles de la modernité qu’incarnent la locomotive et le bateau à vapeur, mais aussi l’arrivée de la photographie, le daguerréotype. Une scène montre d’ailleurs Turner poser pour se faire tirer le portrait, comprenant ce que la photographie allait révolutionner dans l’histoire de la peinture. Pour autant, Turner n’était pas nostalgique du passé.
Pour l’anecdote, le tableau Le Dernier Voyage du Téméraire est visible dans le film Skyfall. A la National Gallery, où se trouve cette oeuvre, James Bond rencontre Q qui regarde cette œuvre. James Bond est peut-être lui aussi en train de perdre de sa gloire passée et devra être remplacé.
Après la mort de son père, Turner s’installe à la campagne dont plusieurs scènes sont photographiées comme de véritables tableaux.
Les ciels y sont soit ombrageux soit totalement dégagés mais les couleurs y sont toujours diffuses, ainsi que l’explique l’expérience de diffraction de la lumière que le film met en scène.
Comme directeur de la photographie , Mike Leigh s’est adjoint les services de Richard Pope, Oscar de la meilleure photographie pour L’Illusionniste (2006) et qui a reçu le prix Vulcain de l’artiste technicien pour Mr. Turner au Festival de Cannes 2014.
Ivre de femmes et de peintures de Im Kwon-taek ( 2002) :
Ce film raconte la vie du peintre Jang Seung-Ub ou Jang-Seung-Eop dit Owon (1843-1897) dans la Corée de la fin du XIXème siècle, à l’poque de l’effondrement de l’ère Chosun. Owon connut la reconnaissance de son vivant grâce à la maîtrise de son art. Mais ce sont son caractère excentrique et son amour des femmes et de l’alcool qui sont largement mis en scène dans le film et servent pour son titre.
L’artiste peignit tous les thèmes classiques de l’art coréen : paysages, fleurs, scène de la vie quotidienne.
Dans son film, le cinéaste coréen n’a pas voulu que montrer des tableaux: « Je ne cherche pas à filmer des peintures immobiles. Je me concentre sur les motivations qui m’ont poussé à montrer ses oeuvres. Toutes mes pensées vont au processus qui va faire de ces tableaux un film. »
Le cinéaste a raconté ses efforts pour comprendre l’oeuvre de l’artiste coréen : « Pour les besoins du film, j’ai demandé à l’artiste Kim Sun-doo d’imiter certains tableaux de Jang Seung-Ub. En le regardant travailler, j’ai compris que quand mon personnage s’inspirait de tableaux chinois, il ne faisait pas qu’imiter des oeuvres déjà existantes. Il essayait de montrer ce qu’il y a de plus beau dans notre propre nature. »
Mais c’est aussi à travers la photographie de certaines scènes que la peinture de l’artiste est indirectement représentée. Ainsi les scènes tournées au bord de rivière, d’amas rocheux et d’arbres noueux font écho à certaines des peintures de l’artiste qui sont, pour plusieurs d’entre elles, un assemblage de plusieurs mini-scènes, sortes de courts-métrages avant l’heure.
C’est aussi à un court de peinture que le film ressemble parfois. Ainsi dans cette scène où le professeur de peinture du jeune Owon lui apprend les étapes de la création. « Il faut d’abord créer « l’ossature ». Chaque touche doit être structure. Ensuite vient le clair-obscur. L’ombre introduit la distance et donne aux choses leur profondeur. »
Tout comme dans le film de Maurice Pialat, celui de Im Kwon-taek met en scène les difficultés à créer des artistes. Leurs difficultés à créer mais aussi le problème de la reconnaissance dont ils ont tant besoin, sont mis en scène de façon poignante. Les espaces et l’époque dans lesquels vivent les peintres sont des sources d’inspiration que ces films cherchent à mettre en scène, à mettre en image comme les peintres l’ont fait de leur vivant. Mais ces espaces, ces décors, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs, ne sont jamais neutres. Ils sont eux-mêmes emprunt de sentiments, ils sont chahutés ou apaisés, ils reflètent une époque révolue ou annoncent la modernité. En réalité, ces espaces, dans les peintures et dans les films où ils son restitués, apparaissent comme des toiles sur lesquelles les peintres projettent leurs propres souffrances, leurs propres rêves, leurs propres souvenirs, leurs propres espaces imaginaires, faits de couleurs et de formes qui ne doivent rien au hasard.
Ce film a reçu Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2002.
- Work Title/Titre de l’oeuvre : Van Gogh
- Author/Auteur : Maurice Pialat
- Year/Année : 1991
- Field/Domaine : Cinéma
- Type : Drame
- Edition/Production : Daniel Toscan du Plantier (producteur délégué)
- Language/Langue : Français
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif :
- Location in work/localisation dans l’oeuvre : Divers
- Geographical location/localisation géographique : Auvers-sur-Oise
- Remarks/Notes :
- Work Title/Titre de l’oeuvre : Mr Turner
- Author/Auteur : Mike Leigh
- Year/Année : 2014
- Field/Domaine : Cinéma
- Type : Drame
- Edition/Production : Diaphana Distribution
- Language/Langue : Français
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif :
- Location in work/localisation dans l’oeuvre : Divers
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes :
- Work Title/Titre de l’oeuvre : Ivre de femmes et de peintures
- Author/Auteur : Im Kwon-taek
- Year/Année : 2002
- Field/Domaine : Cinéma
- Type : Drame historique
- Edition/Production : Pathé Distribution
- Language/Langue : Français
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif :
- Location in work/localisation dans l’oeuvre : Divers
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes :