« La carte des Mendelssohn » (Diane Meur): est-ce vraiment une carte ? / Is it really a map ?

Couverture

Page de couverture de La carte des Mendelssohn, 2015 (Copyright Sabine Wespieser)

La carte des Mendelssohn est un roman de Diane Meur, traductrice et romancière, paru en 2015 aux éditions Sabine Wespieser. Le titre fait référence à une « carte » généalogique que l’auteur a établie pour la famille Mendelssohn dont l’un des membres les plus célèbres fut le compositeur Félix Mendelssohn (1809-1847). C’est au retour d’un voyage à Berlin en 2010 qu’elle entreprend de dresser la « carte » généalogique de cette famille depuis la seconde moitié du XVIIIè siècle. La question que se pose l’auteur à plusieurs reprises est de savoir si sa « carte » généalogique est bien une véritable carte.

La carte des Mendelssohn is a novel by Diane Meur, translator and novelist, published in 2015 by Sabine Wespieser editor. The title refers to a genealogical « map » that the author has established for the Mendelssohn family, one of whose most famous members was composer Felix Mendelssohn (1809-1847). It is after returning from a trip to Berlin in 2010 that she undertakes to draw up the genealogical « map » of this family since the second half of the XVIIIth century. The question that the author poses repeatedly is whether his genealogical « map » is indeed a true map.

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Pour cette œuvre, dont la couverture indique clairement qu’il s’agit d’un roman, l’auteur est remontée à Moses Mendelssohn (1729-1786), manufacturier, philosophe et grand-père du compositeur, et lui-même fils de Mendel (Dessau) Heymann et d’Abraham Gugenheim, morts tous les deux en 1766.

Pour sa quête généalogique, l’auteur a parcouru une partie de l’Europe. Elle s’est rendu notamment à Berlin dont elle écrit « Si cette famille avait été un pays (me disais-je innocemment, sans me douter que ce pays, j’irais un jour jusqu’à en tracer la carte), Berlin en aurait incontestablement été la capitale. » (p. 19). C’est d’ailleurs au retour d’un séjour à Berlin qu’elle entreprit sa recherche et son projet d’en faire un roman.

Mais Diane Meur profite de son roman pour y mêler des événements de sa vie personnelle, que ce soit celle de sa famille actuelle ou de ses échanges avec son éditrice ou plusieurs de ses amis. Ce roman devient donc imbriqué, riche, avec de nombreux fils à dénouer au fur et à mesure de sa lecture, qui ne sont pas seulement les fils de la généalogie que l’auteur tente d’établir mais aussi les liens étroits et distants à la fois entre l’époque actuelle et celles traversées à l’occasion de cette recherche des membres de la famille Mendelssohn « Tour de force d’un écrivain qui jamais ne perd le nord, La Carte des Mendelssohn finit par mettre à mal toute idée de racines, et par donner une image du monde comme un riche métissage où nous sommes tous un peu cousins. »

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Carte des Mendelssohn (copyright Diane Meur et Henri Desbois, 2015) (Source : site Internet de Sabine Wespieser)

Très tôt dans l’ouvrage, l’auteur parle de la « carte » de la famille Mendelssohn qu’elle établit au fur et à mesure de ses recherches.

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Carte des Mendelssohn, détails (copyright Diane Meur et Henri Desbois, 2015) (Source : site Internet de Sabine Wespieser)

A ses yeux, il ne s’agit pas d’un simple arbre généalogique, c’est un véritable espace généalogique qui se présente à elle progressivement. La carte des Mendelssohn, dont l’auteur reconnaît elle-même qu’elle a des airs d’un hippodrome, est disponible sur le site Internet de l’éditeur.

Avec les outils de zoom avant, on peut descendre à un niveau de détail qui permet de visualiser l’image, le nom et les relations directes de chacun des membres de cette famille.

On peut retrouver sur cette autre version, les contours en pointillés des blocs identifiés par l’auteur.

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Carte des Mendelssohn (copyright Diane Meur et Henri Desbois, 2015) (Source : site Internet de Sabine Wespieser)

L’auteur explique comment elle en est venu à imaginer une carte généalogique « Car de cette rencontre entre Proudhon, Saint-Simon et la thèse d’un ami géographe, était née l’envie de lire un peu Élisée Reclus, ce que je m’étais toujours promis de faire un jour. Un grand géographe du XIXè siècle, idéologiquement aux antipodes de Benjamin Mendelssohn, voilà ce qu’il me fallait pour construire l’espace géographique de mon futur roman. Car mon blocage sur ce projet ne venait pas seulement d’une surabondance de documents et de protagonistes, avais-je maintenant compris. Éclatée entre tant de lieux et d’époques, l’histoire des Mendelssohn ne pouvait se rattacher à aucune spatialité unique. Or pour écrire un roman, j’ai besoin d’être quelque part : dans une ville antique de la plaine, dans un manoir de Galicie, un micro-duché du Saint-Empire germanique ou du moins le débarras d’un appartement parisien, grenier à névroses et à secrets de famille. Ici aucun lieu romanesque à investir? C’est donc en lisant l’Histoire d’une montagne d’Élisée Reclus que j’ai eu cette révélation : mon lieu romanesque, ce serait la famille elle-même dans ses différentes strates, avec ses sommets illustres, ses blocs erratiques, ses combes ténébreuses. Et pour m’approprier ce lieu encore abstrait, il allait falloir que j’en dresse un relevé topographique. Que j’en fasse la carte, que je m’en fasse une représentation concrète sur un plan embrassable d’un seul coup d’œil. Une fois cette tâche accomplie, il devrait bien se passer quelque chose, en naître un roman« (p. 189-190).

Au fur et à mesure de ses recherches, la carte devient de plus en plus grande, au point que l’auteur commence à se sentir mal en sa présence, ressent des nausées et des étourdissements, croit la voir grandir sous ses yeux, animée par une sorte de vie propre qui lui échappe, et elle comprend qu’elle ne pourra plus sortir cette « carte monstrueuse » de chez elle.

A plusieurs reprises, Diane Meur évoque nominativement l’un de ses amis, Henri (Desbois), géographe, auteur d’une thèse d’habilitation à diriger les recherches sur l’histoire de la cartographie (1) que l’auteur a lu, et dont elle sollicite l’avis pour savoir si ce qu’elle est en train de produire est bien une carte. Finalement, lors d’une soirée à laquelle l’auteur a invité plusieurs de ses amis pour leur présenter son œuvre généalogique, son ami géographe légitime sa carte

« Nous voulons entendre le verdict d’Henri. C’est bien une carte, déclare-t-il après s’être fait un peu prier. Il y a un territoire précis, des frontières (j’ai en effet séparé les blocs par des pointillés au crayon rouge, et Henri me fait grâce de l’anomalie que constituent les unions consanguines entre ressortissants de blocs distincts), une légende, et une échelle : une bande = une génération » (p. 300). Mais lors du même dîner elle s’entend dire « Je trouve que cette carte te ressemble ». Pourquoi cette carte ressemblerait-elle à son auteur ? « Un mélange de minutie et de puérilité, de formalisation à outrance et de bricolage au petit pied : ces mini-portraits collés par-ci par-là, ces jeux de couleurs socio-confessionnels, ces pointillés blancs imitant du fil à coudre… Et la mégalomanie qu’il y a à vouloir embrasser tout le monde, mais en s’arrangeant pour qu’il tienne sur la table du salon ! » (p. 301).

Mais après cette légitimation que la carte en est bien une, l’auteur avoue qu’elle a « pris l’habitude de [se] repérer comme sur une carte du monde telle qu’on les édite dans nos contrées, avec l’Europe et l’Afrique en axe médian. Grâce au travail des dernières semaines, la famille Mendelssohn est bien devenue un espace pour moi. Le temps même s’est comme spatialisé » (p. 210).

Après avoir achevé son œuvre, Diane Meur reconnaît que le temps qu’elle passé sur Internet pour sa recherche et l’écriture de son roman, n’a pas le même goût que celui passé dans les espaces réels et elle avoue clairement sa préférence : « A l’heure d’Internet, nous avons l’impression de pouvoir être partout à la fois; mais rien ne remplace la présence réelle, et -n’en déplaise à Henri, qui ne jure que par les univers virtuels – il n’arrive pas grand chose d’intéressant dans des lieux qui n’en sont pas. On n’y vit pas de vraies expériences, il y manque le sel de la vie : les perceptions, et l’imprévu » (p. 381).

(1) Desbois, Henri. 2015. Les mesures du territoire: aspects techniques, politiques et culturels des mutations de la carte topographique. Villeurbanne, France: Presses de l’Enssib.

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Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’œuvre : La carte des Mendelssohn
  • Author/Auteur : Diane Meur
  • Year/Année : 2015
  • Field/Domaine : Littérature
  • Type : Roman
  • Edition/Production : Sabine Wespieser
  • Language/Langue : Français
  • Geographical location/localisation géographique : Divers
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : « Carte » généalogique
    • Location in work/localisation dans l’œuvre :
    • Geographical location/localisation géographique :
    • Remarks/Notes :

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