L’extraordinaire première scène de Buffet Froid de Bertrand Blier est la seule du film qui soit précisément localisée et la seule à mettre en scène des cartes, celles de la station RER de la Défense. Elle est pourtant aussi énigmatique que l’ensemble du film.
In Buffet Froid a 1979 Bertrand Blier’s movie, the first scene is the only one to be precisely localized and the only one to display maps, those of the RER train station of La Défense. However, the scene is as enigmatic as the whole movie.
Dans la scène inaugurale de Buffet Froid, un panoramique cueille « le chômeur » (Gérard Depardieu) qui descend par l’escalator sur le quai de la station RER de La Défense. Il aperçoit « le comptable » (Michel Serrault), assis sur les sièges un peu plus loin, se dirige vers lui et engage la conversation. Après quelques échanges, il lui demande s’il a déjà pensé à tuer un inconnu dans le métro, puis le presse de conserver son couteau pour lui éviter de « faire une connerie ». Le comptable se débarrasse du couteau en le posant sur le siège derrière lui. Quand il se retourne quelque temps après, le couteau a disparu. Les deux hommes parcourent le quai à la recherche de celui qui a pu le prendre. Une rame de RER arrive. Le comptable entre dans le wagon et interdit au chômeur de le suivre en le traitant d’assassin, l’autre répond qu’il parlait d’un cauchemar.
Cette scène d’anthologie pose les thèmes que développera le film : déshumanisation et anonymat de monde moderne, meurtre gratuit et cynisme, cauchemar et réalité, dynamique conjuguée des oppositions (jeune-vieux, chômeur-employé) et des ressemblances (solitude, désespoir), Elle construit aussi le style du film à base de dialogues acérés, amoraux et paradoxaux et son esthétique jouant de l’abstraction et de la symétrie des décors, des ambiances nocturnes et urbaines, au moins dans les 2 premiers tiers du film, et d’une palette de couleurs éteintes et sombres, sur lesquelles tranche le rouge violent de certains objets : les sièges de la station du RER, un escalier, un ascenseur, une barque. Dans la première scène, le couteau prend d’ailleurs fugitivement des reflets rouges, comme s’il avait déjà servi.
Cette scène a toutes les apparences d’une scènes d’exposition classique. Elle plante le décor dans le moderne quartier d’affaires parisien et met en présence les personnages. Mais c’est une fausse piste. Dans la scène suivante, les deux personnages se retrouvent, sans qu’on puisse établir une claire solution de continuité avec la précédente. Une fable à l’humour macabre et irrésistible emporte alors le spectateur. Les situations s’enchaînent comme mues par des associations d’idées absurdes et amorales, sur le modèle du cadavre exquis, ce jeu de collage aléatoire que prisaient les surréalistes et dont le nom aurait pu faire un bon titre pour le film.
L’action du film se passe dans la banlieue parisienne, mais à part La Défense de la première scène, les adresses évoquées ensuite par le film sont fictives : « 33 bis rue Amédée Cousin », « Théodore Botrel en provenance d’Auguste Blanqui ». Ou bien elles ne correspondent pas au lieu réel de référence comme l’hôtel particulier censé se situer 14 Villa des Roses. Un poteau indicateur permet bien de localiser la scène dans la R5 de SOS médecins près de Boissy Saint-Léger à la 55ème minute, mais le film est étranger à toute vraisemblance topographique ou même à toute réalité géographique. Les curieux pourront consulter la page IMDB sur les lieux de tournage du film, à Créteil et en Isère Ces lieux eux-mêmes n’ont aucune importance ou signification propres et une réjouissante confusion géographique règne, même si l’agencement spatial des plans et des séquences obéit à une structure très rigoureuse.
La scène d’ouverture est la seule dans laquelle apparaît une carte, outil d’orientation saugrenu dans un film dont la logique déjantée vise à dérouter le spectateur. Il s’agit de trois grands panneaux lumineux placés sur le quai qui affichent le plan du réseau de transports en commun de la région parisienne. La scène est elle-même conçue comme une chorégraphie des personnages et de la caméra autour de ces panneaux, Serrault fuit d’abord Depardieu en allant s’asseoir de l’autre côté des plans, avant que celui-ci le rejoigne et lui donne son couteau, dont Serrault se débarrasse en le jetant sur un siège. Or, si l’on regarde bien, un troisième homme se trouve déjà sur le quai au moment où Depardieu aperçoit Serrault. Il est dissimulé par les panneaux cartographiques, mais on aperçoit nettement ses jambes entre les panneaux et le pilier. L’homme disparaît de tous les plans suivants, quand la caméra filme frontalement les panneaux, d’un côté ou de l’autre. L’homme s’est il glissé derrière eux pour se cacher ? Est-ce lui qui a volé le couteau en profitant du hors-champ dans le plan centré sur la conversation des deux hommes. Est-il l’assassin ? Et si tout cela n’était véritablement qu’un cauchemar ?
A chacun de voir le film et d’en décider. Voici en tout cas un nouvel exemple de géodispositif qui vise à cacher la réalité et non à la dévoiler, comme dans Rencontres du 3ème type de Spielberg évoqué dans cet article.
Sorry, no translation yet. Ready to give a hand ? Anyway, give a look to the automatic Google translation bar in the top-right of this page to get an idea of the content in your language.
- Work Title/Titre de l’œuvre : Buffet froid
- Author/Auteur : Bertrand Blier
- Year/Année :1979
- Field/Domaine : Cinéma
- Type : comédie, drame, humour, thriller
- Edition/Production : France 2, Sara Films
- Language/Langue : fr
- Geographical location/localisation géographique: #Paris
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif : carte/map
- Location in work/localisation dans l’oeuvre : 1ère scène
- Geographical location/localisation géographique : #La Défense
- Remarks/Notes :