« Mémoire morte » (this title could be translated either by « Read-Only Memory » or « Dead Memory ») is neither the latest album nor the most original one of Marc-Antoine Mathieu (a famous french comic-books author, who received many awards at Angoulême Festival). But in a way, it could be considered as one of his most visionary creation.
Published for the first time in march 2000, « Mémoire morte » is a complete black and white comic book. Its sci-fi universe and script evoke both George Orwell’s and Franz Kafka’s novels. It takes place in a huge city, which could be considered as a true “smart city”. Every cityzen is always connected to a global computing system, called ROM, which records, treats and analyzes all informations from the city and its inhabitants in real time…
« Mémoire morte » n’est ni la plus récente ni la plus originale des oeuvres de Marc-Antoine Mathieu (célèbre auteur-dessinateur de BD, plusieurs fois récompensé au Festival d’Angoulême et ailleurs) mais c’est certainement l’une de ses plus visionnaires.
Parue pour la première fois aux éditions Delcourt en mars 2000, intégralement dessinée en Noir et Blanc (comme la majorité des albums de Marc-Antoine Mathieu), « Mémoire morte » est une oeuvre d’anticipation qui rappelle à la fois « 1984 » de Georges Orwell et les œuvres de Franz Kafka.
English
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L’histoire a pour une cadre une cité moderne gigantesque, dont les rues à angle droit et les immeubles rectilignes évoquent, vue du ciel, un réseau électronique, une sorte d’immense circuit imprimé. Bizarrement, aucun habitant de cette cité, pas mêmes les plus grands scientifiques, n’est en mesure d’en définir la forme exacte, ni même d’en observer les limites éventuelles… car cette cité « si stable, si structurée mais… si complexe » est en réalité infinie !

Les rues verticales de la Cité, dans lesquelles dominent les panneaux d’informations ou de publicités.
Pour administrer une telle mégapole, les pouvoirs publics s’appuient d’une part sur une multitude de fonctionnaires affectés à des services techniques variés (le cadastre, la voirie, la communication externe ou interne…) mais aussi et surtout, sur un ordinateur omniscient, ROM, véritable intelligence artificielle aux capacités de calcul et de stockage démesurées.
ROM enregistre, trie et analyse en permanence « tous les faits, tous les actes et toutes les pensées de la Cité ». Il est ensuite programmé pour compiler ces données afin d’étudier, déduire ou prévoir toute sorte d’évènements, et ainsi proposer les meilleures solutions aux divers problèmes qui lui sont soumis. ROM est à la fois la mémoire et le pilote automatique de la Cité, une sorte de « big brother » alimenté de « big data » ! Il est aussi le principal narrateur de l’histoire.
« Qui je suis ? Je suis vous tous ! Je suis toute la cité réunie ; toutes vos réflexions, tous vos actes réunis en une seule et unique pensée… Autant vous dire que je n’ai aucune personnalité ! »
Pour que ROM puisse collecter toutes ces informations, les pouvoirs publics ont rendu obligatoires le port permanent d’une boîte noire par chaque citoyen de la Cité. Cet appareil mobile, de la forme d’un téléphone sans fil surmonté d’une petite antenne, est une version vintage de nos smartphones actuelles. Son usage en est cependant tout aussi varié ; géolocalisation, communication, aide-mémoire…
Grâce à cet appareil, le citoyen est par exemple informé de ses prochains rendez-vous ou de ces conditions de circulation. Il est consulté pour répondre à des sondages dont les résultats sont instantanément connus. Et lorsque l’épidémie d’amnésie commence à se propager, chaque citoyen peut toujours compter sur sa boîte noire pour lui souffler les mots dont il ne se souvient plus…
Avec un tel dispositif, les habitants de la Cité se retrouvent plongés au cœur d’une société surinformée, bien entendu totalement sous surveillance. Ce que soulignent d’ailleurs les nombreux slogans publicitaires accrochés aux façades d’immeubles ou en manchette des journaux.
« Tout savoir sur tout, c’est possible. »
« Voir et être vu. Partout et maintenant. »
« L’info, c’est vous. »
Toute cette mécanique parfaitement huilée est cependant remise en cause par un incident qualifié d’imprévu ; la construction en pleine nuit d’un mur de séparation au beau milieu d’un îlot d’habitation, due vraisemblablement à un conflit de voisinage latent ou à un différent entre fonctionnaires des ponts-et-chaussées et techniciens de la voirie. Très vite, d’autres murs sont édifiés de manière tout aussi clandestine, transformant des rues en impasses, coupant des immeubles en deux, cloisonnant des quartiers entiers, isolant les individus et bouleversant totalement l’organisation générale de la Cité.
« Les murs avaient maintenant cristallisé la Cité dans laquelle ne s’agitaient plus que deux catégories d’individus : les constructeurs de murs et les autres, qui tentaient de retrouver un chemin improbable dans les méandres de rues et d’impasses. »
Devant l’ampleur croissante du phénomène, les pouvoirs publics se demandent quelle réaction apporter… mais pour la première fois, ROM ne donne aucune réponse ! Dès lors, les autorités de la Cité se retrouvent face à leur libre arbitre et se révèlent très vite incapables de légiférer. Préférant l’inaction à toute décision dont elles ne pourraient prévoir exactement les conséquences, elles se contentent de nommer des commissions d’observateurs, condamnés à constater, mesurer et classer des données factuelles sur les murs en question.
« Observer, analyser, évaluer, réfléchir, peser le pour et le contre, telles sont les prérogatives de notre mission ».
« M.I.O.P : Mission Interministériel d’Observation des Phénomènes ».
C’est ainsi que Firmin Houffe, chef de service à l’administration cadastrale et accessoirement personnage principal de l’histoire, se retrouve du jour au lendemain promu « directeur pour l’observation du phénomène en vue de l’élaboration d’une analyse ».
Comme l’ensemble de la population de la Cité, il sera à son tour touché par l’épidémie d’amnésie et perdra l’usage du langage. Mais grâce sans doute à ses rêves, donc à son imagination, il finira par choisir d’éteindre sa boîte noire puis de débrancher ROM, plongeant du coup la Cité dans le plus grand silence… jusqu’à entendre les premiers coups de marteau de ceux qui se décident enfin à abattre les murs.
« Mémoire morte » est une œuvre de fiction aussi drôle que philosophique, qui permet de s’interroger sur le concept de « ville numérique » et plus largement sur la place des technologies de l’information dans nos sociétés. Sa lecture aujourd’hui, plus de 10 ans après sa création, ne peut qu’en confirmer le caractère visionnaire.
Le dialogue entre ROM et Firmin Houffe, qui sert de fil conducteur au récit, mérite en particulier d’être souligné pour sa grande profondeur. En voici quelques extraits significatifs, à méditer longtemps après avoir refermé le livre :
« Voilà bien votre problème. Vous voulez toujours connaître l’avenir… Apprenez d’abord à lire le présent et votre mémoire vous servira à quelque chose. »
Ou encore, ces remarques sur la notion de cyberespace :
« Toute la Cité était là, en train de parler, de penser, de rêver… Un monde virtuel était né. Un monde immatériel, constitué de communication pure, sans acte. »
« Sans langage, y’a-t-il une réalité ? »
Enfin, en guise de clin d’oeil, voici un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler une application de géomarketing avec l’essor du « big data »:
« Entrez Monsieur Houffe. […] Mes données m’indiquaient une très forte probabilité de votre venue. Évidemment, j’aurais été absolument sûr de votre visite si vous n’aviez pas éteint votre boîte noire… […] Le fait de ne plus vous lire dans ma mémoire m’a contraint à un exercice que j’affectionne particulièrement : J’ai déduit votre parcours « en creux » grâce aux données des gens que vous avez côtoyés, aux lieux que vous avez fréquentés, et mille autres petits détails (que vous ignorez…). »
- Work Title/Titre de l’œuvre : Mémoire Morte
- Author/Auteur : Marc-Antoine Mathieu
- Year/Année : 2000
- Field/Domaine : Comic Book / BD
- Type :
- Edition/Production : Delcourt
- Language/Langue : Fr
- Geographical location/localisation géographique : ?
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif : Smartphones, big datas, AI, geoloc…
- Location in work/localisation dans l’œuvre :
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes :
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Merci pour cet article qui me fait découvrir cette oeuvre que j’ignorais. Le « mur » qui apparaît dans cet album ne serait-il pas aussi à mettre en relation, plus ou moins lointaine, avec le mur (« The Wall ») de l’oeuvre du groupe de musique Pink Floyd, mis en scène dans le film du même titre (http://fr.wikipedia.org/wiki/The_Wall_(film)) ? Le mur, qui prend peu à peu de l’ampleur, peut apparaître comme une métaphore de la schyzophrénie individuelle de l’acteur principal mais aussi celle collective des foules prises dans l’engrenage d’une organisation totalitaire qui a comme principe le contrôle matériel et mental des populations.
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Fan des oeuvres de Marc Antoine Matthieu, de géo et d’anticipation, je ne peux que dire « Clap clap » avec mes deux mains après la lecture de cet article. (d’autant plus que je ne connaissais pas cet album)
Géomatiquement
Matthieu
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