Filmed in 1966, The Swimmer by Frank Perry was a commercial failure when it was released in 1968 and has long been misunderstood. However, it is an intense and disturbing masterpiece. One morning between late summer and early autumn, a man in a bathing suit (B. Lancaster) enters the garden of a beautiful house and plunges directly into the pool. He is obviously an old friend of the owners. When he learns that other relations of them have built a pool in their house below in the valley, he develops an unusual project: returning home by swimming from pool to pool … This crazy idea is the beginning of a journey that will become more and more bizarre.
Tourné en 1966 et échec commercial à sa sortie en 1968, jamais vu en France avant 2010 The Swimmer (Le Plongeon) de Franck Perry longtemps méconnu se révèle un chef d’oeuvre intense et dérangeant. Un matin entre fin d’été et début d’automne, un homme en maillot de bain (B. Lancaster) pénètre dans le jardin d’une belle maison du Connecticut et plonge directement dans la piscine. Il est visiblement un vieil ami des propriétaires. Quand il apprend qu’une autre connaissance a fait construire une piscine dans leur maison plus bas dans la vallée, il élabore un projet insolite : rentrer chez lui en nageant de piscine en piscine… Cette idée un peu farfelue inaugure un parcours qui va devenir de plus en plus étrange.
Sorry, no translation yet. Ready to give a hand ? Anyway, give a look to this automatic Google translation to get an idea of the content.
Ned Merrill envisage les piscines de cette banlieue chic du Connecticut, non loin de New-York, comme une chaîne continue qui va lui permettre de rentrer chez lui. Il nage d’une piscine à l’autre comme il remonterait une rivière vers sa source. Les trajets à pied entre les piscines sont pour lui comme le portage des canots entre les tronçons navigables d’un cours d’eau. Le film entier est construit sur ce dispositif spatial singulier. Il suit Ned dans son périple sans jamais le lâcher d’une … plante de pied, puisque Lancaster est en maillot de bain du début à la fin. Ce parcours est bien sûr métaphorique et traverse différents plans habilement entrelacés: psychologique, social et symbolique mais aussi paysager.
NB. Attention, ce qui suit dévoile des éléments cruciaux de l’intrigue et même, horreur!, la fin du film.
Psychologie
On peut avoir une lecture psychologique du film. Un homme amnésique, devenu étranger à lui-même, revient dans son quartier et part à la recherche de son passé. On comprend assez vite que la remontée de cette rivière, qu’il a nommée Lucinda, prénom de sa femme, est pour lui d’ordre biographique. Il tente de remonter jusqu’à un moment crucial de sa vie, trouble, voire traumatique. Dans chaque piscine visitée, il rencontre des gens de connaissance qui lui (nous) dévoilent par bribes des aspects des dernières années de son existence, aspects qu’il semble avoir oubliés, ou plutôt refoulés. Ces événements émergent peu à peu, révélant la personnalité plutôt déplaisante d’un homme arriviste, lâche, superficiel …
On découvre progressivement le naufrage social et affectif qu’il a connu dans un passé qui reste difficile à dater. On ne peut pas parler de prise de conscience puisque jusqu’à la fin Ned refuse d’entendre ce qu’on lui dit et persiste dans sa fiction d’une vie normale et d’une famille qui l’attend à la maison. Au fur et à mesure que ses interlocuteurs se font plus explicites, Ned les traite de menteurs. La scène avec le petit garçon dans la piscine sans eau exprime ce déni sublime de réalité qui confine à la folie (« Il y a tant de fous en liberté » dit Ned innocemment). Dans une très belle scène, Ned confie à l’enfant près de la piscine vide : « Si tu crois assez fort que quelque chose est vrai, ça devient vrai pour toi ». Mais, alors qu’il s’éloigne il se précipite soudain sur ses pas, croyant que l’enfant a pris ses paroles au mot et va plonger dans la piscine vide, alors que celui-ci, contrairement à Ned, fait bien la différence entre le rêve et la réalité. Ce projet de nager à travers le comté que les autres voient comme un enfantillage est pour Ned un retour vers l’enfance et le temps de l’innocence . Il veut croire à son histoire même il sait indistinctement qu’elle est fausse. Alors qu’il pense remonter la rivière de sa vie, il la descend. Alors qu’il fait semblant de retourner à l’origine, c’est vers sa mort, sociale, physique? qu’il court, comme il en prend conscience chez sa maîtresse, Shirley.
Société
Toutes ces piscines forment aussi un échantillon du tissu social d’une banlieue américaine et le film est une sorte de coupe à travers les différentes strates de la upper-middle class des banlieues américaines. On rencontre des aristocrates de la Côte-Est, nudistes excentriques et égoïstes, de nouveaux riches, des cadres supérieurs, des boutiquiers…Au-delà de ses différences, le parcours de Ned redonne une continuité à ces différents milieux. On les observe de l’intérieur puisque Ned en a fait partie, mais aussi de l’extérieur car la réapparition inexpliquée et le comportement étrange de l’homme au maillot de bain le place en dehors du jeu social.
Cette traversée profonde d’une société suburbaine est cruelle. Sous le vernis de la convivialité et des amitiés, les codes sociaux sont sans appel et l’argent omniprésent : conformisme, cupidité et égoïsme sont les ressorts de cette communauté. Chacun doit tenir son rang, mais aussi s’y tenir, sous peine d’être impitoyablement châtié. Le film est sans manichéisme ni jugement moral. Ned n’est pas une victime. Certains personnages lui proposent de l’aider, mais il est devenu tellement étranger à lui même qu’il les ignore. Le chemin des piscines est donc aussi celui de la déchéance sociale de Ned, ignoré ou exclu des milieux qu’il fréquentait et rejeté par les boutiquiers et commerçants de son quartier, auxquels il doit quémander 50 cents pour payer son ticket d’entrée à la piscine municipale. Celle-ci est d’ailleurs la seule que Ned n’avait visiblement pas l’habitude de fréquenter puisqu’il n’en connaît pas les codes symboliques d’accès, très populaires, comme la douche collective.
Symbolique
Le parcours est aussi symbolique. Au début Ned est éclatant de force et de beauté. C’est un athlète superbe au charme duquel les femmes sont sensibles. Un héros grec, Ulysse en route vers Ithaque, « un être humain spécial, noble et magnifique » comme il s’idéalise lui-même dans une naïveté enfantine. Au fur et à mesure que Ned se rapproche de sa maison, le temps se couvre, le soleil devient moins chaud, les gens plus hostiles. Sa progression devient aussi plus difficile. Il perd de sa vitalité. Il se blesse à la jambe et boîte. Ses pieds meurtris saignent. Il est vieilli, fatigué et désemparé. La traversée de l’autoroute puis celle de la piscine municipale surpeuplée sont éprouvantes et créent un malaise presque physique chez le spectateur. Il finit humilié et ridiculisé à barboter dans un mètre d’eau. Quand il arrive à la maison, la pluie éclate, et Ned, trempé et grelottant, s’effondre prostré contre la porte fermée de sa maison abandonnée.
Il y a quelques références religieuses dans le film, certaines implicites comme l’expulsion du jardin d’Eden, sous-jacente à l’histoire ou le chemin de croix dont chaque piscine est une station et d’autres explicites comme l’évocation par Ned du Cantique des Cantiques avec Ann Hooper.Mais le discours de Ned relève lui même d’un paganisme vague, d’une culture de la nature pré-chrétienne. On a pourtant le sentiment que Ned doit expier quelque chose. Mais quel péché a-t-il commis ? De quoi est coupable en définitive, celui qui surgit dans le film comme un enfant innocent venu de nulle part ? Son arrivisme, le fait qu’il se soit semble-t-il élevé au-dessus de son milieu par le mariage ? Son égoïsme, son inattention aux autres, son respect des conventions, son incapacité à aimer, son mépris pour les plus faibles ? Ou bien simplement, son échec, le fait qu’il n’ait pas réussi à rester au niveau social qu’il avait atteint, sa chute que lui font payer ceux du bas comme ceux du haut ? Le film ne donne aucune réponse et le nageur sublime garde son mystère.
Paysage
Ce trajet est aussi un transect concret à travers les paysages de la Suburbia américaine. Il part des espaces naturels que nous montre le générique pour nous conduire de villa en villa à travers une agreste vallée du Connecticut. Ces villas sont plus ou moins riches, plus ou moins grandes ou plus ou moins aristocratiques (1). Nous visitons ensuite l’espace plus prolétaire de la piscine municipale située à côté de l’autoroute. Dans le scénario, Ned finissait même par traverser la piscine en plastique pour enfants d’un modeste pavillon. Le film se termine sur l’espace étriqué d’un salon vide d’une grande maison abandonnée.
Ce parcours nous conduit donc d’une nature sauvage peuplée simplement d’animaux, vers un espace saturé d’humains, la piscine municipale. La place de la nature disparaît peu à peu du film. Le cheval a remplacé les animaux sauvages et la dernière maison, celle de Shirley, est plus bétonnée que les précédentes. La nature est d’ailleurs un autre thème important du film. Ned évoque très souvent avec ses interlocuteurs le ciel, le soleil et l’eau comme autant de ressources profuses. Il est lui même très animal. Il expédie les protocoles du commerce social pour rapidement plonger dans les piscines. Il piaffe de nager, sauter, courir …. Il se confronte à la course avec un cheval. Mais cette nature se révèle très anthropisée. Ned finira lui-même par remplacer le cheval sur un parcours d’obstacle, donnant à sa force physique un exutoire un peu dérisoire. Celle-ci l’abandonne au fur et à mesure qu’il se rapproche de chez lui et d’un monde plus humanisé, comme si cet élan animal et sauvage s’épuisait au contact des hommes du commun.
Sens d’un trajet
Tout ce qui vient d’être dit pourrait laisser supposer un film à l’appareillage symbolique pesant. Or c’est tout le contraire. Le film avance d’une manière très naturelle dans sa bizarrerie, grâce au jeu subtil et vibrant de Lancaster, à une mise en scène très fluide et à des dialogues à la fois réalistes et décalés. Tous ces plans d’explication sont suggérés et le film ne se laisse réduire à aucune d’entre-eux. Chacun laisse des éléments inexpliqués. Ces différentes facettes ne coïncident pas et créent autour du film un miroitement de sens qui le rend à la fois mystérieux, captivant et toujours poétique. Même les effets un peu datés de superposition et de flou et la musique très hollywoodienne participent du charme étrange de ce film à part.
Notre rapport au personnage n’est pas fixe. Les premières images sont clairement en caméra subjective. Le spectateur entend les bruits de pas de l’homme qui marche et voit par ses yeux. Ensuite, au moment où il pénètre dans le jardin de la première villa, la caméra s’envole comme si elle se décollait du personnage pour le suive de haut. Comme Ned est dans tous les plans, il reste notre médiateur tout le long du film. Nous somme toujours avec lui à le voir se débattre dans la contradiction entre sa réalité et celle que rapportent les autres. On retrouvera par moment la caméra subjective, quand Ned marche seul dans les prés et les forêts ou quand il regarde le soleil, le ciel ou la nature. A la fin, alors que Ned reste bloqué à l’extérieur de sa maison, la caméra pénètre à l’intérieur à travers un carreau cassé et visite les pièces vides. Ned ne peut pas les voir à ce moment, puisqu’il est dehors et secoue vainement la poignée, que nous voyons nous de l’intérieur. Nous sommes alors comme sa conscience qui se remémore ce moment, cette scène déjà vue. Ensuite la caméra recule, ressort de la maison par la fenêtre et dans un travelling arrière s’éloigne de la silhouette de Ned effondré sur son seuil, comme si elle s’en détachait définitivement, son souvenir enfin révélé et son destin achevé.
Pour terminer cet article sur le dispositif spatial, le parcours du film suit une progression très claire qui va du chaud au froid, de la jeunesse à la vieillesse, de l’innocence à la culpabilité, du naturel à l’artificiel, de l’animal à l’humain, du vaste à l’étriqué, du bonheur au désespoir. Mais chacun des trajets n’est pas aussi régulier qu’il paraît. Ned ne va pas de la nature sauvage à la ville. Le premier plan du générique montre un barrière barbelée; nous sommes déjà dans un paysage rural suburbain. Il ne va pas progressivement des riches vers les pauvres : l’échelle sociale suivie est plus erratique. La dernière maison, celle de Ned, est d’ailleurs, même si elle est abandonnée, une des plus belles propriétés du film. Il ne va pas non plus de l’étranger au proche et la proximité sociale diffère évidemment de la proximité spatiale. Si son périple se termine par son ancienne maîtresse et les commerçants du voisinage, les premières personnes rencontrées étaient plus proches socialement de Ned que certains de ceux qu’il rencontrera en se rapprochant de chez lui, comme les Biswangers, qu’il ne fréquentait pas. La logique des relations sociales reste d’ailleurs mystérieuse : certains savent des choses sur ce qui est arrivé à Ned, d’autres non, sans que l’on puisse reconstituer leurs liens et les circuits d’information associés.
Mais le principal trajet reste avant tout ce voyage surréaliste et poétique d’un homme qui nage de piscine en piscine, héros merveilleux à la recherche d’un bonheur évanoui et que nous suivons dans sa quête éperdue, aimantés et incrédules.
_______
(1) A noter que la villa de l’ancienne maîtresse de Ned, Shirley Abbott, dénote un peu dans le lot. Son architecture évoque plus la Californie, tout comme le palmier, arbre étranger au Connecticut, qu’on entre-aperçoit dans le jardin. Le métier d’actrice de l’ancienne maîtresse de Ned explique moins cette originalité que les aléas du tournage. Cette scène n’a a pas été tournée par Franck Perry, exclu alors du film comme Barbara Loden, actrice initialement prévue pour ce rôle. C’est Sydney Pollack, qui a tourné la scène, peut-être à Hollywood.
- Work Title/Titre de l’oeuvre : The Swimmer/Le Plongeon
- Author/Auteur : Franck Perry
- Year/Année : 1968
- Field/Domaine : Cinema
- Type : Drame
- Edition : Splendr Films
- Language/Langue: En
- Machinery/Dispositif : Narrative/Récit
- Location in work/localisation dans l’œuvre :
- Geographical location/localisation géographique : #Connecticut, USA
- Remarks/Notes :
Pingback: Vernissage Expo “TAProduction” – NEL / NESA / STé / OSCAR « Magnifyk75's Blog