This famous drawing titled New Yorker map of the World is from Saul Steinberg. The New Yorker published it on its cover on March 29, 1976. It is often seen as a satire of the New Yorkers’ « smug provincialism ». Actually, it is a beautiful and satiric expression of a much more general mental geography. People tend to organize their perception of the world around their own geographical position. The idea of Steinberg has been reproduced on posters for many other cities. Did you know that the French writer Alexandre Vialatte developed the same idea in the sixties about the thirteenth arrondissement of Paris in a very funny column for the newspaper La Montagne ?
Ce dessin célèbre du graphiste Saul Steinberg est paru en couverture du New Yorker le 29 mars 1976. Il est intitulé la carte du monde du New-Yorkais. Il est souvent perçu comme une satire du snobisme new-yorkais, qui place au centre Big Apple et minimise ou ignore les espaces lointains. Mais c’est en fait une belle expression plus générale de la géographie mentale de chacun et de la manière dont on réorganise le monde autour de sa propre position géographique. L’idée de Steinberg a été reproduite sur de nombreux posters pour d’autres villes. On sait moins que l’écrivain français Alexandre Vialatte avait eu la même idée à propos du XIIIème arrondissement de Paris et en a fait une chronique très drôle pour le journal La Montagne dans les années soixante.
English
Steinberg’s idea has been reused many times. One can found several examples on this blog and the reference to the cover of The Economist in 2009 that intended to illustrate the vision of the world by the Chinese. Alexander Vialatte, a French novelist, translator of Kafka and ineffable writer of chronics in the Journal La Montagne had expressed the same idea in a literary fashion, just as humorous. Titled Eloge du XIIIè arrondissement (Praise of the thirteenth Arrondissement (of Paris), this text has been published in the collection Dernières nouvelles de l’Homme (Last News of the Man). Vialatte describes the world as seen from his window (see the text of Xavier Almeida, Alexandre Vialatte , the mirror of the imagination, Presses Universitaires Blaise Pascal). The extract I give below comes from this web page. An Engish translation of Vialatte’s chronicles does not exist, and it is a pity.
Français
L’idée de Steinberg a été de nombreuses fois reprise. On trouve sur ce blog plusieurs exemples ainsi que la référence à une couverture de The Economist de 2009 qui entend illustrer la vision du Monde par les chinois.
Alexandre Vialatte, romancier, traducteur de Kafka et ineffable rédacteur de chroniques dans le journal La Montagne avait exprimé la même idée sur un mode littéraire, tout aussi humoristique. Intitulé Eloge du XIIIè arrondissement, ce texte se trouve dans le recueil Dernières nouvelles de l’Homme, chez Julliard paru en 1978. Vialatte y décrit le monde comme vu depuis sa fenêtre (voir ce texte de Xavier d’Almeida, tiré de Alexandre Vialatte, au miroir de l’imaginaire, Presses Universitaires Blaise Pascal). L’extrait que je donne ci-dessous vient de cette page Web.
«Éloge du XIIIe arrondissement
L’homme, dit la Bible, est en exil sur cette terre. » Et l’opinion publique ajoute: «Surtout dans le XIIIe arrondissement. » C’est parce qu’on ne le connaît pas bien.
Je chanterai le XIIIe arrondissement.On y pénètre sans le savoir, en franchissant un pointillé imaginaire, au milieu de la rue de la Santé. Rien n’y prépare. Au Japon, au contraire, le touriste rencontre un écriteau fléché disant: « Hiroshima, sa plage, son site, son cataclysme. » Peut-être serait-il instructif de trouver, aux environs de Denfert-Rochereau, un écriteau annonçant le XIIIe, « son clair de lune, ses environs, ses hôpitaux, ses asiles, ses prisons, ses monastères, et ses Nord-Africains. Ses mystères, ses prophètes, ses assassins célèbres, et ses cimetières souterrains ».
« Les environs de Paris, disait Alphonse Allais, sont les plus beaux environs du monde. » Ceux du XIIIe aussi. C’est même encore plus vrai. On pourrait presque dire que c’est par ses environs que le XIIIe est le plus bel arrondissement du monde. C’est lui, de tous ceux de Paris, qui a la plus belle banlieue : elle l’exclut en effet lui-même.
Au nord, la Seine, qui arrose une capitale illustre. Son flot noir, irisé de mazout, qui sent le chien mort et le crépuscule d’automne, reflète le Louvre et Notre-Dame. Non loin, la statue de Chappe, en bronze, portant son télégraphe optique (du moins y fut-elle très longtemps) ; le musée Grévin, où réfléchit François Mauriac, où songe Louise de Vilmorin, où M. Larousse pense le monde dans l’ordre alphabétique exact ; où Charlotte Corday, au sous-sol, ne cesse d’assassiner Marat. Le monument à Waldeck-Rousseau. Le Panthéon, qui mélange toutes nos gloires : Hugo, Voltaire, Clovis, Ravaillac, Henri IV, Brigitte Bardot et le cœur de Zola. Le Palais-Bourbon, où les représentants de la France défendent les intérêts de la Chine et de l’Algérie; et tout au fond, pour surplomber l’ensemble, dans une brume fine, le Sacré-Cœur, de Maurice Utrillo.
Au nord-ouest, les géants : le général De Gaulle, l’obélisque, la tour Eiffel.
A l’est, la gare de Lyon, entourée de lampadaires auprès desquels, les soirs d’été, l’entomologiste averti vient attraper certains papillons rares (qui ne peuvent vivre que dans le XIIe, d’une certaine substance ferroviaire), avec le filet dit « fauchoir(1) ».
Plus loin encore, le bois de Vincennes, où tout convie les hommes, dès les premiers beaux jours, à venir manger du veau froid à l’ombre des chênes séculaires. Plus loin, les Vosges, Vladivostok, l’île de Yéso. A l’ouest, la station Pasteur, le boulevard Garibaldi, le tabac du «Petit zouave », les îles anglo-normandes, New York. Du moins, en gros.
Au sud, rien, et puis rien. Ensuite, le Canigou ; exactement à la même longitude. Je dis rien, parce que le mot rien signifie l’absence de toute chose ; il existe, au sud de Paris, un désert qui s’étend jusqu’à la Côte d’Azur ; je l’ai traversé plusieurs fois, et notamment avec Jean Dubuffet, qu’exaltent ces grandes solitudes, je n’ai jamais rencontré personne; sinon, à hauteur du Morvan, un bœuf qu’arrosait une pluie fine. Il n’y a aucune population entre Paris et Saint-Tropez, ou alors elle se cache et ne sort que la nuit, comme la loutre et l’oryctérope. Le silence est tel qu’à travers les murailles on entend battre les réveils.
Le XIIIe arrondissement, arrosé par la Bièvre, dominé par la Butte-aux-Cailles, a donc pour frontières naturelles : à l’est, la Seine, au nord le boulevard Saint-Marcel, à l’ouest, l’asile Sainte-Anne et le parc Montsouris, où passe la latitude 0 (la rive gauche est remplie de lignes imaginaires), au sud, le vide. Et au-dessus, le clair de lune. Au-dessous, les catacombes, où reposent six cent mille morts.
1. Guide de l’entomologiste (Éditions Boubée), page 20 (chapitre des Instruments de chasse).
NB. Merci à Paul Claval de m’avoir remémoré ce texte dans un café de Saint-Dié des Vosges.
Reference/Référence
- Work Title/Titre de l’œuvre : Eloge du XIIIe arrondissement. Recueil Dernières nouvelles de l’Homme
- Author/Auteur : Alexandre Vialatte
- Year/Année : 1978
- Field/Domaine : Literature
- Type :Chroniques
- Edition/Production : Julliard
- Language/Langue :
- Geographical location/localisation géographique : #13e Arrondissement,Paris #New-York
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif : Récit, narrative
- Location in work/localisation dans l’œuvre :
- Geographical location/localisation géographique :13e Arrondissement,Paris
- Remarks/Notes :
- Work Title/Titre de l’œuvre : NewYorker Map of the World
- Author/Auteur : Saul Steinberg
- Year/Année : 1976
- Field/Domaine : Drawing/Graphiqme
- Type : Magazine cover
- Edition/Production :New Yorker
- Language/Langue :
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes:
- Machinery/Dispositif :
- Location in work/localisation dans l’œuvre : New-York
- Geographical location/localisation géographique :
- Remarks/Notes :
Pingback: Possibilité d’un leurre géonumérique. 2) Fabrication | Monde géonumérique
Je n’avais jamais entendu parlé de cet artiste et de son travail … Par contre le snobisme New-Yorkais m’as déjà souvent été rapporté! De manière générale, on voit souvent que ce qu’on a sous les yeux … Je pense, comme vous le dites si bien, que cette œuvre pourrait représenter tous les endroits du monde puisqu’elle représente enfaite la géographie mentale de l’homme (elle peut être cependant plus ou moins grandes selon la personnalité de chacun!).
En tout cas très intéressant et instructif comme article!
Merci,
Julia B.
J’aimeJ’aime