Topographie intérieure / Inner Survey. The Lost City of Z. James Gray

Le film de James Gray incorpore tous les ustensiles de l’explorateur : cartes aux vastes zones blanches figurant le territoires inexplorés, théodolites, boussole … mais il s’avère rapidement que cette exploration aventureuse de l’Amazonie est aussi, et même principalement, intérieure.

James Gray’s movie includes all the usual tools of an explorator : maps with huge blank space representing unknown territories, theodolites, compasses … But it appears very soon that this adventurous exploration of Amazonia is also, and  mainly, an inner survey.

Français English Reference

James Gray a rappelé dans de nombreux interviews (par exemple dans Les Cahiers du Cinéma de mars 2017) que son film n’avait pas pour sujet les aventures d’un explorateur à la Indiana Jones, ni la folie d’un homme confronté à la jungle à la manière d‘Aguirre ou d’Apocalypse Now. C’est une autre histoire que raconte The Lost City of Z, celle de la transformation profonde d’un homme au contact d’une culture radicalement différente et de sa quête à la fois d’un accord avec lui-même et d’une compréhension plus large de l’humain. Cette poursuite des traces d’une cité perdue entraperçues lors d’un premier voyage aux frontières du Brésil et de la Bolivie est d’abord une exploration intérieure à la recherche d’une sagesse profonde ou d’une connaissance plus large, quasi mystique.

Le spectateur en prend vite conscience quand il voit s’accumuler tous les marqueurs du roman ou du film d’aventure dans la jungle :moustiques, serpents, piranhas, radeau dans les rapides, indiens belliqueux et cannibales, Autant de clichés que le film traite un peu par dessus la jambe; comme s’il devait se débarrasser rapidement d’un pensum avant de passer aux choses sérieuses. Dans les Cahiers James Gray parle à ce sujet d’un « passage obligé ». On tique devant les invraisemblances du film : ce radeau qui descend le fleuve au lieu de le remonter, comme l’exige la logique géographique (1) ; ces levés topographiques souvent effectués sous les couverts boisés les plus denses et les moins dégagés; l’impossibilité pour Fawcett de retrouver la chute d’eau à laquelle il était parvenu en radeau lors de son premier voyage, alors que sa localisation sur le réseau hydrographique ne devrait pas faire problème.

A la fin du premier voyage, on ne peut réprimer l’idée que l’irruption du réalisateur dans le film d’action n’est guère convaincante. Même la scène de la conférence à la Société de Géographie qui rend compte du voyage est étrange, peu réaliste, comme si l’essentiel n’était pas là. Filmée à travers un brouillard conceptuel, elle n’aide pas le spectateur à saisir les plans d’argumentation qui se déploient sur des niveaux très différents. Celui-ci a du mal à se repérer clairement dans les enjeux politiques, culturels et sociaux de l’expédition. On comprend vite, dès le premier retour en Amazonie, que le propos du film n’est pas l’action ou l’aventure. L’expédition se place sur un plan intime et philosophique.

Dans sa critique des Cahiers, Jean-Sébastien Chauvin remarque très justement que tous les personnages des films de James Gray sont taraudés par la question de la place qu’ils occupent dans leur milieu social et les territoires qui leur sont associés, toujours en décalage avec la vérité intérieure des personnages. Il en va ainsi de Fawcett, exclu des honneurs par la déchéance de son père et qui pense gagner la reconnaissance qui lui revient grâce à son expédition. Or, ce lieu introuvable, cette cité de Z qui semble toujours lui échapper, ouvre un espace autre où il pourra trouver sa place et devenir lui-même. Plus qu’un lieu à proprement parler, la quête est le chemin lui-même.

Cela conduit à revoir les multiples incohérences topographiques et géographiques du premier voyage. Ces maladresses volontaires visent à saper la topographie du film, à brouiller sa cartographie. Le réalisateur projette à dessein le spectateur dans un espace aux formes floues et mobiles. Il le fait voyager non en Amazonie mais dans la conscience d’un explorateur confronté à une pensée radicalement autre ( et peut-être aussi aux breuvages hallucinogènes des indiens qui l’accueillent, comme le laisse supposer le dénouement du film).

On ne suit pas Chauvin quand il écrit que le film manquerait d’un « moment de bascule vers des rives inconnues, où narration et durée nous feraient pénétrer dans un autre territoire ». Ce moment existe mais il relève moins du temps que de la géographie, de l’évènement que du glissement. C’est le territoire qui se déplace et se déforme. Le progressif dérèglement spatio-temporel du premier voyage est le signe discret de cette « traversée du miroir » de Fawcett, que le film transcrit pour le spectateur en une expérience cinématographique singulière. La boussole, seul objet à mystérieusement revenir de la dernière expédition, exprime alors par son inutilité dérisoire à la fois la fin du voyage de l’explorateur, enfin arrivé à sa place ou peut-être à sa fin, et la désorientation profonde du spectateur. Mais cette boussole indique aussi un point fixe: l’amour qui lie Fawcett et sa femme, le plus beau personnage du film, qu’exprime l’ultime déplacement du magnifique plan final.

(1) La réalité est un peu plus complexe, car Fawcett semble partir de la Bolive et l’exploration de l’Amazonie s’est historiquement faite en descendant le fleuve Amazone d’est en ouest. Mais dans le film on a clairement le sentiment que la première expédition descend un cours d’eau dont les rives se resserrent et dont la profondeur diminue.

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Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’oeuvre : The Lost City of Z.
  • Author/Auteur : James Gray
  • Year/Année : 2017
  • Field/Domaine : Cinéma
  • Type : Drame,
  • Edition/Production : Amazon et al.
  • Language/Langue : En
  • Geographical location/localisation géographique : #Amazonie, #England
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : topographie, carte
    • Location in work/localisation dans l’oeuœvre :
    • Geographical location/localisation géographique :
    • Remarks/Notes :

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