Yucca Mountain – John d’Agata, une carte entre vérité et exactitude.

About a Mountain is an essay by John d’Agata about nuclear waste issue. The book has another title in the French edition (Yucca Mountain) and the cover represents a face drawn with the traditional cartographic symbols. The illustration does not exist on the original book’s cover. Why ?

Publié en 2012 en France, Yucca Montain (About a mountain en anglais) est un essai de John d’Agata. Traitant de la problématique des déchets nucléaire, la couverture du livre, dans son édition française, représente un visage dessiné avec les symboles classiques des cartes, qui n’existe pas dans la version anglaise. Pourquoi ?

English Français Reference

English

The general shape of the face is a reference to the famous Munch’s painting titled The Scream, explicitly mentioned in the book. The face of The Scream evokes of course itself a skull. The face is drawn by the mean of contour lines. Eye-sockets are accentuated with swamp symbols. The hair in turn is represented by a forest. Some altitude points accentuate the nose and cheekbones. Even the typography used to indicate the publisher of the book (Zones sensibles Editions) recalls the direction North / South  arrow on a map.

This kind of machinery which uses a map as a cover or a poster reminds some works that we have already chronicled on this blog: une affaire d’état, Greendale by Neil Young, In the land of blood honey, or in our Curiosities : Page avenue by the American group Story of the Year, Paradis Païen by Higelin, My wilderness by Piers Faccini, the Dvd cover of Le territoire et la Cité des Pirates from Raoul Ruiz, … But all these were works of fiction while Yucca Mountain is more of a documentary about a nuclear waste storage site located at Yucca Mountain located 80 miles from Las Vegas, not far from the Valley of Death.

In fact it is a bit more complicated. The book is not solely devoted to the highly contested site of Yucca Mountain programmed in 2001 and finally canceled by the Obama administration. It also includes a reflection on Las Vegas and is a broader essay about the state of contemporary America. John D’Agata is indeed an essayist who claims the right to manipulate the facts to reach a true « higher » than the simple accuracy: « I am seeking a truth, here, but not necessarily accuracy » (source : The drone). Faced with a « truth », also necessarily always rebuilt, he therefore assumes the use of fiction, the fusion of different testimonies in a single fictional character or time distortion. According to him, it is necessary to render more accurately and completely what a simple inquiry would be insufficient to transmit. D’Agata is not intended to be a journalist but an essayist. He recently published a book about this question with a « fact checker »: The Lifespan of a Fact at WW Norton & Company (read an excerpt in Harper’s Magazine). In his review of About a mountain in the New-York Time, Charles Bock explains why, despite all the talent he recognizes to D’Agata, he does not adhere to this approach combining reality and fiction, art and reportage.

It is therefore interesting to note that the original book cover does not have a map. The English title (About a mountain) is also different. Much broader, it does not mention the storage site for nuclear waste. To the American public, the mountain in question is implicitly located in the United States, that are the general topic of the book. A literal translation of the title to French (Une montagne), would not have made much sense. Keeping the U.S. place name, untranslatable by definition, is a good solution that preserves the broad message: the book deals with the United States. By adding to the cover a map that is, by its very nature, an anchor to reality, the French edition seems to accentuate the documentary dimension of the book. But this card is very obviously fictional, what the potential reader is quickly realizing. The picture therefore takes full account of the nature of this hybrid and original essay reconstructing reality by means of artistic fiction, looking for the truth instead of the accuracy.

It appears that the publisher has first considered an alternative. One finds on-line (e.g. here) a different version of the cover illustration. New information is added at the bottom left of the original map that is now including a location of Yucca Mountain on a general map of the United States, the latitude-longitude coordinates of the site, the county and even references to the federal rule that establishes the site: EPA-HQ-OAR-2005-0083, FRL-8724-9. We havecompletely switched to the documentary and reportage side. The publisher most likely realized that and ultimately did not kept this version. There is a trace of this hesitation in this picture, since removed, but still accessible through Google Image,located on the site of the publisher of the book, les Belles Lettres. An elegant graphic contribution to a reflection about truth and accuracy in mapping and elsewhere.

NB: The authors of this beautiful illustration are the graphic designer Claire Davril and the geologist and cartographer Bernard Laumonier for le Théâtre des opérations. Alexandre Laumonier runs the publisher Zones sensibles.

Français

Des courbes de niveaux permettent d’esquisser les formes d’un visage. Les formes globales sont une référence au tableau de Munch Le cri, référence d’ailleurs explicite du livre, qui lui même évoque bien sûr une tête de mort. Les zones oculaires sont accentuées par une symbologie de marais. La zone capillaire quant à elle est représentée par une forêt. Quelques points cotés accentuent le nez et les pommettes. Même la typographie utilisée pour indiquer l’éditeur du livre (Zones sensibles Editions) rappelle l’orientation Nord/Sud d’une carte.

Ce dispositif utilisant une carte comme couverture ou affiche rappelle certaines œuvres suivantes déjà chroniquées sur ce blog: une affaire d’état, Greendale de Neil Young, In the land of blood honey, ou dans nos curiosités: Page avenue du groupe de rock américain de Story of the Year, Paradis Païen de Higelin, My wilderness de Piers Faccini, la jaquette du dvd Le territoire et la Cité des Pirates de Raoul Ruiz, … Mais ces dernières étaient des œuvres de fiction tandis que Yucca Mountain relève plus du documentaire puisqu’il est consacré au site de stockage de déchets nucléaires de Yucca Mountain situé à 130 km de Las Vegas, non loin de la vallée de la Mort.

En fait c’est un peu plus compliqué que cela. Le livre n’est pas consacré uniquement au site très contesté de Yucca Mountain programmé en 2001 et finalement annulé par l’administration Obama. Il intègre aussi une réflexion sur Las Vegas et se veut un essai plus large sur la situation de l’Amérique contemporaine. John d’Agata est en effet un essayiste qui revendique le droit de manipuler les faits pour atteindre une vérité « plus élevée » que celle de la simple exactitude: « I am seeking a truth, here, but not necessarily accuracy » (source : The drone). Confronté à une « vérité » par ailleurs toujours nécessairement reconstruite, il assume donc utiliser la fiction, le collage de différents témoignages en un seul personnage ou les distorsions de date pour transmettre plus justement et complètement ce qu’une enquête brute selon lui serait insuffisante à rendre. D’Agata ne se veut pas documentariste mais essayiste et il a publié en collaboration avec un « fact checker », un « vérificateur de faits », un livre à ce sujet : The Lifespan of a Fact chez WW Norton & Company (lire un extrait dans Harper’s Magazine). Dans sa critique de About a mountain dans le New-York Time, Charles Bock explique pourquoi malgré tout le talent qu’il reconnaît à d’Agata, il n’adhère pas à cette démarche combinant réalité et fiction, art et reportage.

Il est donc intéressant de noter que la couverture du livre original ne comporte pas de carte. Le titre anglais aussi est différent. Beaucoup plus général (About a mountain), il n’évoque pas le site de stockage de déchets nucléaires. Pour le public américain, la montagne en question est implicitement aux Etats-Unis, justement le thème dont parle le livre à partir du site des déchets nucléaires. On comprend qu’une traduction littérale du titre en français, Une montagne, n’aurait pas eu beaucoup de sens. Garder le toponyme américain, par définition intraduisible, est une solution plus incisive qui induit implicitement que le livre parle des Etats-Unis. En ajoutant en illustration une carte qui, par sa nature même, contribue à ancrer le livre dans la réalité, l’édition française semble accentuer la dimension documentaire du livre. Dans le même temps, cette carte évoquant un site de déchets nucléaires est fictive comme le lecteur potentiel s’en rend rapidement compte. L’illustration exprime donc parfaitement le caractère hybride et original de cet essai littéraire reconstruisant une réalité par le moyen d’une fiction artistique, cherchant la vérité et non l’exactitude.

Il semble en fait que l’éditeur ait d’abord envisagé une autre solution. On trouve en effet sur le Net (par exemple ici) une version différente de l’illustration de couverture. A la carte d’origine s’ajoute en bas à gauche un pavé comprenant une localisation de Yucca Mountain sur une carte générale des Etats-Unis, les coordonnées du site en latitude-longitude, le comté et même les références du texte fédéral qui institue le site: EPA-HQ-OAR-2005-0083; FRL-8724-9, ce qui nous ferait alors basculer complètement du côté du documentaire et du reportage. L’éditeur s’en est vraisemblablement avisé et n’a finalement pas conservé cette version. On trouve une trace de cette hésitation dans le fait que cette image, enlevée depuis mais toujours accessible au moyen de Google Image, se trouve sur le site du diffuseur du livre, les Belles Lettres. En définitive, une élégante contribution (carto)graphique à une réflexion sur vérité et exactitude.

N.B : Les auteurs de ce beau travail sont la graphiste Claire Davril et le géologue-cartographe Bernard Laumonier pour le studio graphique le Théâtre des opérations. Alexandre Laumonier dirige la maison d’édition Zones sensibles.

Rédaction : MD et TJ

Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’œuvre : couverture de Yucca montains de John d’Agata
  • Author/Auteur : Claire Davril et Alexandre Laumonier du studio graphique Théâtre des opérations  http://www.theatre-operations.com
  • Year/Année : 2012
  • Field/Domaine : Literature/Essay
  • Type : Carte/Map
  • Edition/Production : Zones sensibles
  • Language/Langue : Fr
  • Geographical location/localisation géographique :
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : Carte artistique imaginaire
    • Location in work/localisation dans l’œuvre : Couverture/Cover
    • Geographical location/localisation géographique : #Yucca Mountain, Comté de Nye, Nevada, États-Unis
    • Remarks/Notes :

4 réflexions sur “Yucca Mountain – John d’Agata, une carte entre vérité et exactitude.

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