Citation : « L’Ukraine, pays 404 », selon Svletana, une des deux femmes bavardes de Iegor Gran.

Elle ne retourne plus sur Twitter. Je la retrouve en revanche sur Vkontakte. Elle y publie avec parcimonie , tous les quatre jours en moyenne, des textes plus longs, embrouillés par la rage d’en découdre avec les ennemis de la Russie, hachés de points d’exclamation, d’où je comprends que son taux de « patriotisme » dans le sang a considérablement augmenté. Elle réclame la peine de mort pour les actes de sabotage qui se multiplient en Russie. Elle prie pour que des frappes ciblées « éliminent rapidement les chefs occidentaux, à commencer par les Britanniques, qui gavent d’armement le pays 404 » – ce « pays 404 » étant pour elle l’Ukraine, par analogie avec la célèbre « erreur 404 » qui s’affiche quand une page n’existe plus sur Internet.

Iegor Gran : Voyage clandestin avec deux femmes bavardes. POL, 2023

Le vocabulaire du Web a depuis l’origine une inspiration spatiale : navigation, exploration, site … (Cauquelin A., 2002, Le site et le paysage, Paris, PUF). Mais la démarche inverse de comparaison d’un pays réel à une page web est plus rare. La négation totale de l’existence de l’Ukraine en tant que « pays 404 » est bien sûr le fait des officines de désinformation et de propagande russes. Diffusée à haute dose depuis avril 2022, l’expression serait apparue plus tôt, juste après la révolution de Maïdan. Svletana ne fait donc que répéter ce qu’écrivent de nombreux trolls, russes ou non, qui soutiennent l’invasion de l’Ukraine. En avril 2023, l’inénarrable Dmetry Medvedev file d’ailleurs en parallèle les deux branches de la métaphore. Sur le plan géographique, les américains ordinaires n’auraient aucune idée de ce qu’est l’Ukraine et où elle se trouve et ils seraient incapables de la placer sur une carte. Sur le plan numérique, l’Etat Ukrainien ne serait qu’une erreur causée par l’effondrement de l’URSS (on n’en assimilera peut-être pas hâtivement l’URSS à Internet).

On peut trouver sur le web des illustrations graphiques de ce « pays 404 », qu’on s’abstiendra de reproduire ici.

Un conseil, ne passez pas à côté de ce livre ironique mais plein d’humanité sur deux femmes russes contemporaines et lisez le précédent livre de Iegor Gran, « Z comme zombie », à la fois réquisitoire impitoyable contre l’auto-aveuglement des russes et convaincante analyse des raisons qui pourraient l’expliquer.

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