Patrick Modiano, cartographie et vaporisation / Mapping and Vaporization

Illustration de Jean-François Martin. Tirée du feuilleton d’Eric Chevillard, à propos de « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier », de Patrick Modiano. LE MONDE DES LIVRES. 02.10.2014

Illustration de Jean-François Martin. Tirée du feuilleton d’Eric Chevillard, à propos de « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier », de Patrick Modiano. LE MONDE DES LIVRES. 02.10.2014

On peut qualifier Patrick Modiano, récent Nobel de Littérature, de romancier géographique.  Ses romans entrelacent d’une manière unique temps et espace dans des enquêtes à la fois pointilleuses et inabouties aux ambiances brumeuses. Les livres de Modiano sont remplis de lieux, essentiellement parisiens, d’adresses, d’itinéraires très précis, où l’on suit souvent un enquêteur croisant archives et annuaires, remontant le temps et recoupant les coïncidences temporelles et spatiales. Modiano semble un romancier pour cartographes obsessionnels, un sujet naturel pour (e)space & fiction. Et pourtant, on a le sentiment qu’on perdrait quelque chose à cartographier Modiano, que ce dispositif narratif spatio-temporel, par son évidence même, est un leurre, qu’il faudrait chercher derrière, un peu plus loin, mais une carte peut-elle montrer la route vers ce qui serait caché au-delà ?

Patrick Modiano recent Nobel Prize in Literature, can be called a geographical novelist by the way he intertwines time and space in his novels through picky and unfinished investigations in a misty and troubled atmosphere.Modiano’s books are full of places, addresses and very preciseroutes, mainly in Paris. The reader often follows an investigator compiling archives and old directories, searching back in time for spatial connexions and temporal coincidences.At first sight, Modiano seems a novelist for obsessional cartographers, a natural subject for (e)space&fiction. But why do we have the feeling that something important would be lost  in the mapping of Modiano’s novels ? His space-time narrative is too obvious to be something else than a decoy. We have to lo look a little further. But is a map  the good way to show what could be hidden beyond?

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Faire une carte du Paris de Modiano sur le Géoweb est une idée largement partagée. Le site Web du Figaro propose une carte interactive de lieux emblématiques de ses romans sélectionnés d’ailleurs selon un principe assez flou. Un inventaire et une cartographie plus exhaustives des lieux parisiens dans les romans de Modiano existent sur sur ce site, dont la carte est reproduite ci-dessous :

Il est dommage que seules les adresses, et non les romans ou même les passages des romans, soient associés aux pointeurs. La carte Google suivante donne un aperçu pour L’Herbe des nuits de ce qu’il serait possible de généraliser pour tous les romans :

Une carte associant aux lieux des romans les citations, sur le mode de Géoculture – une fois levé le problème des droits – permettrait une lecture cartographique de l’œuvre de Modiano. Une caractérisation par roman ouvrirait à une lecture distante à la mode de Franco Moretti. On pourrait dès lors s’attacher à distinguer et rapprocher les romans par l’espace : L’Herbe des nuits se déroule surtout rive gauche ; qu’en est-il des autres romans ? Est-il possible, et intéressant, de reconstituer les chevauchements et les espaces blancs de la géographie parisienne de Modiano ? A la lecture de Rue des boutiques obscures, j’ai eu le sentiment que s’avèrerait vaine une entreprise de cartographie du roman alors que – ou peut-être justement parce que – l’œuvre est saturée de lieux et d’itinéraires très précis. Il faudrait bien sûr tenter l’expérience mais il me semble que c’est la question même de l’intérêt d’une cartographie des romans de Modiano qui est au cœur d'(e)space &fiction. Les nombreux entretiens de Modiano et son discours de réception du prix Nobel reviennent obstinément sur cette topographie spatio-temporelle à la base de son travail.

Géographie mentale

Dans son discours de réception du Nobel, Modiano évoque la scène originelle de ses romans: « Le Paris de l’Occupation a toujours été pour moi comme une nuit originelle. Sans lui je ne serais jamais né. Ce Paris-là n’a cessé de me hanter et sa lumière voilée baigne parfois mes livres ». Confié enfant par ses parents à des amis, il est balloté en divers lieux, que le romancier ne réussira ensuite ni à identifier ni à situer. Cette recherche biographique lui aurait donné l’envie d’écrire,comme si l’écriture et l’imaginaire pourraient « [l’]’aider à résoudre enfin ces énigmes et ces mystères ». Enfant délaissé par des parents qui ne s’entendent pas, il se promène tôt seul dans les quartiers, puis  fait, adolescent, l’apprentissage de Paris, comme les romanciers qu’il admire, qui prennent la grande ville comme décor et thème principal de leurs livres. Les lieux et personnages de Modiano sont souvent indissociables de sa propre vie et ses livres dessinent ce que Nelly Kaprièlan appelle fort justement dans les Inrocks du 15-21 octobre 2014 une très personnelle géographie mentale. L’espace fictionnel de Modiano se mêlant très intimement à son espace biographique, pourrait-on alors explorer grâce à la carte les ressorts de son écriture et vérifier par exemple, comme le propose Kristina Koutovà que son écriture exprimait sa volonté d’entrer dans le domaine spatio-temporel de son père : l’occupation, les trafics, le risque de la déportation …, et par là « d’affronter le spectre qui plane sur lui pendant toute son adolescence » ? Peut-être, mais est-ce bien utile ? Tout au long des entretiens et dans ses livres eux-mêmes, Modiano revient sur la source familiale de ses romans et la situation de son père en particulier. Y-a-t-il quelque chose à découvrir dans une œuvre aussi consciemment et explicitement tirée d’un possible trauma biographique ? Modiano dit dans un entretien de 2007 au Nouvel Observateur : « C’est le miracle de la fiction, je m’en sers pour vaporiser certains moments, certains lieux de ma jeunesse, oui, c’est le mot, vaporiser”. Une cartographie topographique à la Google Maps de Modiano, risque donc de s’avérer non seulement inutile mais néfaste à la compréhension de l’œuvre. La carte ne vaporise pas, elle condense. Elle va à l’encontre de la démarche du romancier ; elle focalise et délimite ce que l’auteur avait laissé ou rendu flou, elle gomme l’ambivalence et l’ambiguïté propices à l’imaginaire.

Topographie collective

Mais les romans de Modiano ne font pas qu’explorer une géographie personnelle. La topographie qu’ils dressent – Modiano emploie trois fois fois le mot dans son discours devant l’Académie Nobel – est plus générale. « Pour ceux qui y sont nés et y ont vécu, à mesure que les années passent, chaque quartier, chaque rue d’une ville, évoque un souvenir, une rencontre, un chagrin, un moment de bonheur. Et souvent la même rue est liée pour vous à des souvenirs successifs, si bien que grâce à la topographie d’une ville, c’est toute votre vie qui vous revient à la mémoire par couches successives, comme si vous pouviez déchiffrer les écritures superposées d’un palimpseste. Et aussi la vie des autres, de ces milliers et milliers d’inconnus, croisés dans les rues ou dans les couloirs du métro aux heures de pointe. » (…) « Les thèmes de la disparition, de l’identité, du temps qui passe sont étroitement liés à la topographie des grandes villes. »

La composition même des romans de Modiano est topographique. Il s’appuie pour écrire sur de vieux annuaires par rues de Paris, qui lui font l’effet  « d’une radiographie de la ville », avec les traces de ces milliers d’inconnus, dont ne subsistent que des adresses et des numéros de téléphone. « Oui, il me semble que c’est en consultant ces anciens annuaires de Paris que j’ai eu envie d’écrire mes premiers livres. Il suffisait de souligner au crayon le nom d’un inconnu, son adresse et son numéro de téléphone et d’imaginer quelle avait été sa vie, parmi ces centaines et ces centaines de milliers de noms » (Ibid.).

Dans des enquêtes complexes et aléatoires, le romancier tente de lever les mystères d’hommes et femmes disparus et de reconstituer ces identités et ces lieux exhumés du passé. Il y mêle des évènements et des personnes de sa propre vie qu’il relie à l’intrigue par des coïncidences temporelles, des correspondances géographiques ou des analogies de situation. Mais l’espace et le temps ne sont jamais vraiment retrouvés. Lieux, moments et personnages baignent dans l’indétermination et l’incertitude.  Les livres de Modiano reconstituent la géographie dévastée d’une mémoire collective lacunaire : « La mémoire de Proust fait ressurgir le passé dans ses moindres détails, comme un tableau vivant. J’ai l’impression qu’aujourd’hui la mémoire est beaucoup moins sûre d’elle-même et qu’elle doit lutter sans cesse contre l’amnésie et contre l’oubli. À cause de cette couche, de cette masse d’oubli qui recouvre tout, on ne parvient à capter que des fragments du passé, des traces interrompues, des destinées humaines fuyantes et presque insaisissables » (Ibid.).

Fresque et puzzle

La référence à Proust n’est pas anodine. Modiano a déclaré de nombreuses fois qu’il lui semblait de plus en plus évident que tous ses romans, pourtant écrits au fil du temps sans plan général préconçu, se répondaient les uns aux autres et finissaient par n’en faire qu’un. On peut se demander s’il n’a pas fini par retrouver sous une forme fragmentaire et éclatée le projet des grandes fresques romanesques du XIXème et de la première moitié du XXème, et réaliser une sorte de version post-moderne des Hommes de Bonne Volonté – autre grande exploration littéraire de Paris. Comme si l’Unanimisme de Jules Romain s’était fracassé dans le kaléidoscope tragique de  la deuxième Guerre Mondiale et qu’il n’en restait que des morceaux de vies brisées, dont l’agencement initial définitivement perdu était le but d’une recherche à la fois primordiale et impossible.

L’inventaire topographique et toponymique tiré des annuaires et des plans pour faire émerger de l’oubli des personnes ou des lieux existants ou imaginaires, constitue donc le principe même de l’écriture de Modiano. Dans un entretien à France Culture du 10 octobre 2014, celui-ci s’interroge d’ailleurs sur les conséquences sur l’écriture des outils de géolocalisation, qui permettent en un clic de visualiser grâce à Google Street View la façade d’un immeuble parisien. Cette immédiateté, la suppression de tout délai entre l’idée et sa réalisation, lui paraît au première abord menaçante pour l’imaginaire. Tout lecteur de Modiano sait le rôle important dans le déclenchement du processus de création de cette période de latence, souvent volontaire chez lui, entre le renseignement et sa vérification in situ. Mais finalement le romancier conclut que l’immédiateté peut aussi s’avérer un opérateur littéraire et qu’une nouvelle forme d’imaginaire naîtra certainement de ces « appareils sophistiqués ».

La cartographie peut-elle alors aider à dévoiler ces structures cachées, non de l’espace-temps personnel de Modiano mais de l’espace morcelé de la génération d’après le naufrage du deuxième conflit mondial, ou même de l’espace atomisé d’une modernité déboussolée ? Mais il ne s’agit pas tant d’un objet à reconstituer, l’espace d’avant est à jamais perdu. C’est dans ce blanc entre la réalité et la mémoire que s’écrivent les livres de Modiano, comme autant de puzzles aux pièces définitivement manquantes qui comptent moins par le résultat que par la démarche pour les reconstituer. Dès lors une cartographie fondée sur le repérage et les coordonnées semble peu appropriée à rendre compte a posteriori du subtil processus topographique de cette écriture. Les bottins d’un passé révolu, il le dit lui même, sont imaginaires, comme finissent par le devenir tous ces êtres disparus dont ne subsistent que les noms et les adresses et que l’imagination et le récit sortent du néant. Il n’est pas sûr qu’une cartographie non topographique ou euclidienne, en réseau, en graphe, en étoile même, réussisse mieux à exprimer cette quête du romancier. « Et je ne serais pas loin de croire que dans le meilleur des cas le romancier est une sorte de voyant et même de visionnaire. Et aussi un sismographe, prêt à enregistrer les mouvements les plus imperceptibles » (Ibid.).

Les textes de Modiano sont eux-même les cartes les plus justes, car les plus sensibles, de ces séismes intérieurs et collectifs. Elles dessinent les territoires complexes de l’écrivain, y compris dans leur dimension politique, part trop souvent oubliée de son œuvre (voir dans Dora Brauder la fierté assumée des trafics louches de son père, contraint à un statut de pestiféré par les lois de Vichy et des Nazis). Non seulement aucune carte des pièces manquantes du puzzle ne permettrait de faire l’économie de l’expérience topographique des romans mais il n’existe aucun ordre général qui ne soit accessible autrement qu’en plaçant ses pas dans celui de l’auteur. Pas de carte, donc et certainement pas non plus de carte des cartes de l’univers de Modiano.

C’est pourquoi voici en guise d’inventaire cartographique un florilège de citations des romans de Modiano liées à l’espace et glanées sur le Web ou dans les livres. Merci aux éventuels lecteurs intéressés de le compléter dans les commentaires. J’ajouterai les citations au fur et à mesure dans le billet.

Au mois de juin 1942, un officier allemand s’avance vers un jeune homme et lui dit : Pardon, monsieur, où se trouve la place de l’Étoile ?
Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine.
– Histoire juive –

—  Patrick Modiano –  La place de l’étoile

Si l’on habite près d’une gare, cela change complètement la vie. On a l’impression d’être de passage. Rien n’est jamais définitif. Un jour ou l’autre, on monte dans un train. Dans cette vie qui vous apparaît quelquefois comme un grand terrain vague sans poteau indicateur, au milieu de toutes les lignes de fuite et les horizons perdus, on aimerait trouver des points de repère, dresser une sorte de cadastre pour n’avoir plus l’impression de naviguer au hasard.

—  Patrick Modiano – Dans le café de la jeunesse perdue (Source)

Un train traverse trop vite une gare pour que vous lisiez le nom de la ville sur le panneau. Alors, le front collé à la vitre, vous notez quelques détails : le passage d’un fleuve, le clocher d’un village, une vache noire rêvant sous un arbre, à l’écart du troupeau. Vous espérez qu’à la prochaine gare vous lirez un nom et vous saurez enfin dans quelle région vous êtes.

—  Patrick Modiano —  L’Herbe des nuits. (source)

Moi aussi, j’éprouve une drôle de sensation à la pensée de ses lampes que nous avons oublié d’éteindre dans des endroits où nous ne sommes jamais revenus…

—  Patrick Modiano —  L’Herbe des nuits. (Source)

Le bois, les avenues vides, la masse sombre des immeubles, une fenêtre éclairée qui vous donne l’impression d’avoir oublié d’éteindre la lumière dans une autre vie, ou bien que quelqu’un vous attend encore… Tu dois te cacher dans ces quartiers-là. Sous quel nom ? Je finirai bien par trouver la rue. Mais, chaque jour, le temps presse et, chaque jour, je me dis que ce sera pour une autre fois.

— Patrick Modiano —  L’Herbe des nuits. (Source)

Je n’étais pas revenu sur cette place depuis le printemps de 1964, une période où je fréquentais le quartier. Je me suis aperçu brusquement que je n’avais pas un sou en poche pour prendre un taxi ou le métro et rentrer chez moi. J’ai trouvé un distributeur de billets dans une petite rue derrière la mairie, mais après avoir composé le code, une fiche est tombée à la place des billets. Il y était écrit : « Désolé. Vos droits sont insuffisants. » De nouveau, j’ai composé le code, et la même fiche est tombée avec la même inscription : « Désolé , vos droits sont insuffisants. » J’ai fait le tour de la mairie et de nouveau j’étais sur le trottoir de la Place d’Italie.
Le destin voulait me retenir par ici et il ne fallait pas le contrarier. Peut-être ne parviendrai-je plus jamais à quitter le quartier, puisque mes droits étaient insuffisants.

Patrick Modiano —  L’Herbe des nuits.

Les lambeaux de papiers peints que j’avais vus encore il y a trente ans rue des Jardins-Saint-Paul, c’étaient les traces de chambres où l’on avait habité jadis – les chambres où vivaient ceux et celles de l’âge de Dora que les policiers étaient venus chercher un jour de juillet 1942. La liste de leurs noms s’accompagne toujours des mêmes noms de rues. Et les numéros des immeubles et les noms des rues ne correspondent plus à rien.

—  Patrick Modiano —  Dora Bruder.

Je me suis souvenu du texte que j’essayais d’écrire quand j’avais connu Louki. Je l’avais intitulé Les Zones Neutres. Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no mans lands où l’on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d’une certaine immunité. J’aurais pu les appeler zones franches, mais zones neutres était plus exact (…) Le square Cambronne et le quartier entre Ségur et Dupleix, toutes ces rues qui débouchaient sur des passerelles du métro aérien, appartenaient à une zone neutre et ce n’était pas un hasard si j’y avais rencontré Louki.
Ce texte, je l’ai perdu. Cinq pages que j’avais dactylographiées sur la machine que m’avait prêtée Zacharias, un client du Condé. J’avais écrit en dédicace : Pour Louki des zones neutres. Je ne sais pas ce qu’elle avait pensé de cette œuvre. Je ne crois pas qu’elle l’avait lue jusqu’au bout. C’était un texte un peu rebutant, une énumération par arrondissements avec les noms des rues qui délimitaient ces zones neutres. Parfois un pâté de maisons, ou alors une étendue beaucoup plus vaste. Un après-midi que nous étions tous les deux au Condé, elle venait de lire la dédicace et elle m’avait dit : « Tu sais, Roland, on pourrait aller vivre une semaine dans chacun des quartiers dont tu parles…

Patrick ModianoDans le café de la jeunesse perdue

Je me suis souvenu du texte que j’essayais d’écrire quand j’avais connu Louki. Je l’avais intitulé Les Zones Neutres. Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no mans lands où l’on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d’une certaine immunité. J’aurais pu les appeler zones franches, mais zones neutres était plus exact (…) Le square Cambronne et le quartier entre Ségur et Dupleix, toutes ces rues qui débouchaient sur des passerelles du métro aérien, appartenaient à une zone neutre et ce n’était pas un hasard si j’y avais rencontré Louki.
Ce texte, je l’ai perdu. Cinq pages que j’avais dactylographiées sur la machine que m’avait prêtée Zacharias, un client du Condé. J’avais écrit en dédicace : Pour Louki des zones neutres. Je ne sais pas ce qu’elle avait pensé de cette œuvre. Je ne crois pas qu’elle l’avait lue jusqu’au bout. C’était un texte un peu rebutant, une énumération par arrondissements avec les noms des rues qui délimitaient ces zones neutres. Parfois un pâté de maisons, ou alors une étendue beaucoup plus vaste. Un après-midi que nous étions tous les deux au Condé, elle venait de lire la dédicace et elle m’avait dit : « Tu sais, Roland, on pourrait aller vivre une semaine dans chacun des quartiers dont tu parles…

Patrick Modiano — Dans le café de la jeunesse perdue

Reference/Référence

  • Work Title/Titre de l’œuvre : Toute l’oeuvre
  • Author/Auteur : Modiano
  • Year/Année :
  • Field/Domaine : Literature/Littérature
  • Type : Novel/Roman
  • Edition/Production :
  • Language/Langue : Fr
  • Geographical location/localisation géographique : #Paris
  • Remarks/Notes:
    • Machinery/Dispositif : Memory
    • Location in work/localisation dans l’œuvre :
    • Geographical location/localisation géographique :
    • Remarks/Notes :

3 réflexions sur “Patrick Modiano, cartographie et vaporisation / Mapping and Vaporization

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  2. « Je me suis souvenu du texte que j’essayais d’écrire quand j’avais connu Louki. Je l’avais intitulé Les Zones Neutres. Il existait à Paris des zones intermédiaires, des no mans lands où l’on était à la lisière de tout, en transit, ou même en suspens. On y jouissait d’une certaine immunité. J’aurais pu les appeler zones franches, mais zones neutres était plus exact (…) Le square Cambronne et le quartier entre Ségur et Dupleix, toutes ces rues qui débouchaient sur des passerelles du métro aérien, appartenaient à une zone neutre et ce n’était pas un hasard si j’y avais rencontré Louki.
    Ce texte, je l’ai perdu. Cinq pages que j’avais dactylographiées sur la machine que m’avait prêtée Zacharias, un client du Condé. J’avais écrit en dédicace : Pour Louki des zones neutres. Je ne sais pas ce qu’elle avait pensé de cette œuvre. Je ne crois pas qu’elle l’avait lue jusqu’au bout. C’était un texte un peu rebutant, une énumération par arrondissements avec les noms des rues qui délimitaient ces zones neutres. Parfois un pâté de maisons, ou alors une étendue beaucoup plus vaste. Un après-midi que nous étions tous les deux au Condé, elle venait de lire la dédicace et elle m’avait dit : « Tu sais, Roland, on pourrait aller vivre une semaine dans chacun des quartiers dont tu parles… » ». — Patrick Modiano — Dans le café de la jeunesse perdue

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